L’extension d’un crime d’État au Québec

M. Hervé Bertrand, président des orphelins institutionnalisés de Duplessis et l’auteur de ces lignes au Cimetière de Laval. Le 27 août 2025, dans un même temps, même heure, M. Hervé Bertrand a enterré sept de ses confrères et consœurs, tous enfants orphelins de Duplessis. Aucun représentant du gouvernement du Québec n’était présent.

Par Hadj Zitouni, le 12 septembre 2025.

Mouvement Action Justice

« Aujourd’hui, la voix des enfants de Duplessis s’éteint peu à peu. Il est urgent de préserver leur mémoire, de ne pas oublier la violence institutionnelle qu’ils ont subie et l’injustice qui a perduré… Ce regroupement de survivants, présidé par Hervé Bertrand visait à briser le silence sur un pan tragique et douloureux de notre histoire »

Déclaration de Mme. Ruba Ghazal, députée de Mercier

à l’Assemblée nationale du Québec, 03 juin 2025.

Les quelques survivants qu’ils restent des orphelines et orphelins institutionnalisés de Duplessis sont rendus à un âge avancé, vulnérables, voire proches du terminal. Le gouvernement de M. François Legault et ceux qui l’ont précédé, embarrassés par l’insistance de leurs revendications, ont fini par confier leur sort à l’usure du temps. Ce dernier a le pouvoir suprême d’éteindre leurs voix, l’une après l’autre et les faire disparaître une bonne fois pour toute de l’histoire du Québec. L’élaboration de ce stratagème découle de lui-même, comme en science-fiction, sans jamais désigner un vrai coupable, sinon les erreurs d’un épisode terriblement mal tourné de l’histoire. 

Rencontre avec les attachés politique de la députée Mme Ruba Ghazal

Le 23 avril 2025, je servais comme béquille de déplacement à M. Hervé Bertrand, président du Comité des orphelines et orphelins institutionnalisés de Duplessis. Son corps ne tenait pas droit, ses jambes avaient de la difficulté à le porter et son regard s’accrochait plutôt au sol pour éviter de trébucher.  Il avait un rendez-vous avec Mme Ruba Ghazal, députée de Mercier. Elle n’était pas à son bureau sur le plateau Mont-Royal madame la députée. Un rendez-vous raté dû, peut-être, à la mémoire imprévisible de M. Hervé Bertrand, qui lui jouait parfois des mauvais tours. 

M. Hervé Bertrand tenait résolument à ne pas manquer ce rendez-vous. Cette assignation lui semblait l’ultime voix qui lui restait. Par l’entremise de madame la députée, il espérait évacuer des mots qui se bousculent en lui, qui s’enflamment en souvenirs tristes et douloureux d’une existence meurtrie. Il veut montrer au monde la suite d’un témoignage d’histoire percutant, chargé de désolation, de souffrance de la vie de milliers d’enfants québécois dont la plus grande majorité nous a quitté. Transmettre de son vivant son ultime cri de détresse aux membres de l’Assemblée nationale du Québec. 

À notre arrivée aux bureaux de la députée, Mme Ruba Ghazal brillait par son absence. Mais nous avons été chaleureusement accueillis par ses attachés politiques et son équipe de soutien administratif. Tolérant l’absence de la députée, M. Hervé Bertrand s’est confié en douceur à cette équipe hautement dévouée à la ligne du parti. Le cercle est resté captif à l’écoute tout le long de la rencontre.

M. Hervé Bertrand au centre et l’auteur de ces lignes à sa droite avec l’équipe d’attachés politiques de M. Ruba Ghazal, députée de Mercier, le 23 avril 2025 dans le bureau de la députée sur le Plateau-Mont-Royal.

M. Hervé Bertrand interrompait sa narration entre chaque chapitre de son histoire en jouant de l’harmonica proustienne. À ce moment précis, il se souvient de tout comme si sa vie d’orphelins institutionnalisée de Duplessis défilait devant ses yeux. À certains passages du récit, la gorge de M. Hervé Bertrand se nouait et ses yeux se remplissaient de larmes. Il reprenait illico son harmonica et rejouait de courtes compositions larmoyantes avec ce petit instrument qui ne le quitte jamais. L’émotion fut palpable, voire contagieuse dans l’audience. Le camp de la députée inclinait la tête, les yeux mi-clos comme pour une prière de recueillement historique. 

Lègue historique en absence de l’État

M. Hervé Bertrand vient tout juste de léguer aux archives de l’Université Concordia des éléments de preuves, des traces de crime d’État qu’il a subi avec tant d’autres enfants : objets, manuscrits, enregistrements audios qui racontent des faits de sa vie perturbée, violée, détruite par le gouvernement de Maurice de Duplessis et l’évolution de ce crime dans le temps. Il a tout emballé, « paqueté » comme il le disait si bien M. Hervé Bertrand l’histoire de son enfance, sa jeunesse, sa vie d’adulte et son vieillissement dans des cartons, des boîtes à l’image d’une personne qui se prépare pour déménager d’un lieu à l’autre.  

La passation légale de cet héritage se finalisera ce samedi 13 septembre 2025 à Saint-Anne-des-Plaintes, chez lui en présence de sa famille et de ses proches. M. Hervé Bertrand se sent de plus en plus persécuté par la vieillesse et l’épuisement. Ces souvenirs qui l’ont tellement préoccupé, angoissé, voire obsédé, semblent insensiblement s’altérer. La fatigue, les oublis et les distractions témoignent de ce constat.   

Des excuses et des hommages sont insuffisants pour écrire l’histoire

Le 03 juin 2025, le témoignage relayé à la députée par son équipe avait raisonné en elle comme un véritable électrochoc. Devant un Premier ministre lourdement sourd ou absent à entendre les survivants des orphelins de Duplessis, Mme Ruba Ghazal s’est levée avec courage pour rappeler littéralement, tout droit aux membres de l’Assemblée nationale et au peuple québécois, que ces victimes de la période noire du Québec ne sont pas toutes enterrées, qu’il en reste quelques-unes et quelques-uns qui refusent de mourir avant de s’assurer que leur histoire ne tombe pas dans l’oubli. Madame la députée a clos son intervention en rendant hommage à ces miraculés. 

Déclaration de Madame Ruba Ghazal, députée de Mercier à l’Assemblée nationale, le 3 juin 2025, en hommage aux orphelins institutionnalisés de Duplessis.

Les gouvernements successifs au Québec ont tous sans exception aucune tenté d’étouffer l’histoire dramatique de ces survivants. Ce désir d’effacer de l’histoire du Québec ce terrible décret Duplessiste perdure depuis le gouvernement de Paul Sauvé qui a succédé à Maurice Duplessis jusqu’à l’actuel de M. François Legault qui a refusé d’entendre les doléances de M. Hervé Bertrand. M. Bertrand se rappelle, preuve à l’appui, d’être allé rencontrer le Premier ministre à son bureau le 16 décembre 2019 à l’Assomption. M. Hervé Bertrand était accompagné de la députée de sa circonscription, Mme Lucie Lecours. Notre Premier ministre a doublement bouché ses oreilles. Il ne voulait rien savoir ni de la tragédie des orphelins de Duplessis et encore moins de leur histoire. 

Cet air insistant de nos politiciens à détourner habilement le dos et d’ignorer des pans marquants de l’histoire du Québec demeure incompréhensible. C’est Incroyable de remarquer la manière dont les chefs politiques, d’une époque à l’autre, s’alignent obstinément tous sur une même corde raide de défense pour clore ce paragraphe d’histoire qui refuse de se fermer.   

M. Lucien Bouchard, Le Premier ministre du Québec dans les années 1990, a bien renforcé cette ligne de défense en déclarant : « Si cette époque a connu son lot de misères et d’erreurs, elle se caractérise aussi par de nombreux exemples de grands dévouements ».  

Voilà comment exonérer la culpabilité mutuelle de cécité et de surdité volontaire des différents gouvernements. Leur inaction montre bien leur désir de fermer un chapitre parmi les plus sombre de l’histoire du Québec. Depuis la moitié du siècle dernier, nous sommes témoins de la dissimilation d’un crime d’État odieux qui se poursuit jusqu’à nos jours. 

Il faut rappeler qu’il s’agit de milliers d’enfant qui ont été arrachés à leurs mères, internés illégalement, faussement diagnostiqués et déclarés malades mentaux par le gouvernement de l’époque. Ces enfants ont été maltraités, violés, humiliés, exploités sur des fermes agricoles, ils ont subi de violents électrochocs expérimentaux et privés de toutes sortes d’instruction.  On les appelait les enfants du péché parce qu’ils étaient nés d’une relation hors mariage, ou venaient de familles trop pauvres pour subvenir à leurs besoins de base. Ces survivants se sont nommés eux-mêmes Orphelins de Duplessis, en référence au sort que Maurice de Duplessis leur avait infligé. Des prises de décisions gouvernementales qui ont assombri l’époque de Maurice de Duplessis dans les années 1930 à 1960 et entaché l’histoire du Québec.

Les victimes ont payé de leur vie leur crédulité

Durant ses années de règne M. Lucien Bouchard, ex Premier ministre du Québec, a claqué la porte avec sept décrets improvisés à une possible enquête publique. Il a refusé à ces victimes toutes sortes d’indemnisation individuelles.

Le cas par cas, ça ne fonctionne pas, dit-il, prétextant la complexité et le nombre des recours devant les tribunaux. Il a conduit l’ensemble des orphelines et orphelins de Duplessis, comme un troupeau vers un abattoir, vers un recours collectif insignifiant. 

Pour que ces piétinés de l’État arrivaient à toucher une indemnisation de misère, jugée à l’époque scandaleuse, il fallait signer une quittance interdisant toute poursuite contre les gouvernements fédéral et provincial. L’indemnisation était d’environ de 15,000$ à chaque survivant. Cette libération trompeuse fut lourdement acceptée au profit du gouvernement québécois sous le poids de la pauvreté, de la maladie, du vieillissement et de l’analphabétisme de ces victimes. 

M. Lionel Lambert, un Longueuillois qui faisait lui aussi partie de ce groupe, avait refusé de signer l’acquittement qu’il jugeait étriqué. Il me répétait à plusieurs reprises avant son décès en 2018, qu’il était incapable d’accepté ce montant qui représentait pour lui, non seulement une insulte, mais aussi une humiliation insoutenable.  Quelques temps avant de mourir à l’âge de 81 ans, il accepté de signer, pardonnez-moi l’expression, cette putain de quittance pour décharger sa famille les frais de ses funérailles. 

Je me souviens encore de Jean-Guy Labrosse, un autre orphelin de Duplessis que j’ai interviewé dans le cadre d’une émission de radio quelques années avant son décès en 2015. Il me parlait de son livre autobiographique intitulé « Ma chienne de vie ». Le timbre de sa voix témoignait beaucoup plus d’un traumatisme persistant qui, à coup sûr, l’a tiré à vau-de-route vers sa tombe. 

M. Henri Barnabé, l’orphelin de Duplessis qui m’a marqué le plus 

M. Henri Barnabé est décédé le 21 septembre 2021 à l’âge de 83 ans. Une grande amitié nous a liés durant plus d’une vingtaine d’années. Il faisait partie de ces hommes d’exception qu’on rencontre rarement au cours d’une vie. On le connaissait comme un ardent défenseur de la souveraineté du Québec, et on le remarquait à cause de ses qualités exceptionnelles. 

Dans les années 50, lorsqu’il était âgé de 12 ans, on l’a transféré de la crèche de la Miséricorde pour aller travailler gratuitement sur des fermes à Rigaud, en Montérégie. Il me décrivait ses six années passées dans cette seconde captivité comme une descente aux l’enfers. Puis il me racontait ses premiers jours en tant qu’homme libre. Il me décrivait comment il cherchait à acquérir des outils pour affronter un nouveau monde à titre adulte alors qu’il était officiellement faussement déclaré malade mental dans la société. 

Toutefois, il gardait toujours un amour indéfectible à sa terre natale, le Québec. Lorsque je lui reprochais cet amour envers cet État ingrat qui ne reconnaissait pas la valeur de ses enfants, il me répondait avec son air cocasse : n’oublie pas Hadj mon profil médical! Il rêvait qu’on lui enlève cette étiquette de malade mental qui l’accompagnait durant toute sa vie. Il s’est éteint avec ce faux diagnostic en me mettant la puce à l’oreille de l’histoire des orphelins de Duplessis. Il me laissa en héritage une casquette que je ne porterai jamais. Il a tenu à porter cette caquette jusqu’à son dernier souffle.  

Des faits marquants

Pour avoir côtoyer et interroger des orphelins institutionnalisés de Duplessis durant tant d’années, je me suis fait une profonde idée de ces victimes. Je les entrevoyais incarcérés dans des hôpitaux, des crèches et des centres psychiatriques expérimentaux. À force d’avoir entendu à plusieurs reprises, par différents individus, la description des mêmes scènes et mêmes traitements, je peux l’imaginer la crèche de la « Miséricorde » comme si j’y avais séjourné durant des années. 

Après la mort de Henri et avec mes entrevues avec M. Hervé Bertrand, la nuit je rêvais des corps d’enfants orphelins transportés dans des brouettes de l’ancien Hôpital-Saint-Jean de Dieu vers une ferme adjacente où ouvert un cimetière improvisé, appelé dans le temps « la soue à cochons ». Ce lieu de sépulture était le lieu d’étouffement de ces corps d’enfants orphelins de Duplessis et d’enfants autochtones non réclamés. 

La Société des alcools du Québec sise sur un cimetière d’enfants

Le 04 février 1980, devant la cour Supérieur du Québec, Sœur Marie-Levaque, religieuse de la Congrégation des Sœurs de la Charité de la Providence, a estimé que plus de 2000 enfants étaient enterrés dans ce lieu sans étendue exacte. Son témoignage a été produit dans le cadre du procès intenté par les contracteurs de la SAQ contre la SAQ elle-même pour les coûts excédentaires liés à la découverte accidentelle d’ossements d’enfants lors de la construction de son premier entrepôt, en 1975. 

Aujourd’hui, ce terrain vendu par les Sœurs de la Charité de la Providence appartient à la Société des alcools du Québec « SAQ », Société d’État. En 1979, M. François Legault, à l’époque ministre de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, s’est rendu sur « la soue à cochons » et sans scrupule aucun, il lançait l’agrandissement du centre de distribution de la SAQ. 

Les fosses clandestines, les caveaux conçus pour dissimuler l’horreur d’hier sont vite recouverts de béton armé. La construction de ces bâtiments, l’agrandissement des entrepôts de la SAQ bardent « la soue à cochons » Ainsi on tente, encore une fois, d’effacer cette page d’histoire. On veut l’arracher à l’histoire du Québec à tout prix.

M. Hervé Bertrand à l’arrière, entouré d’autres orphelins institutionnalisés de Duplessis, Mme Kahentinetha Horn à sa droite.      Au centre avant : d’autres mères Mohawks et d’autres militants. Tous réunis à quelques mètres de « la soue à cochons » après une réunion tenue avec les représentants de la SAQ.  Montréal, 28 mars 2024.

Aucun monument n’est dressé à cet endroit en mémoire des victimes. Aucune fouille sérieuse et profonde n’a été complétée. Aucune volonté de déplacer les dépouilles de ces enfants enterrés dans ce lieu vers des cimetières respectables. Un geste qui serait peut-être considéré comme une mesure de réparation. Aucune préservation, ni protection de ces tombes et des sépultures anonymes.

Nestor et les Oubliés

Le 29 août 2025, M. Louis-Joseph Hébert, alias Nestor, un autre orphelin de Duplessis âgé de      87 ans appelle M. Hervé Bertrand. Il lui demande de lui rendre visite à l’hôpital Notre-Dame de Montréal.  Quelques jours auparavant, la police l’avait transporté à l’hôpital après l’avoir trouvé dans un état déplorable, couché par terre dans une allée de parc de la métropole du Québec. M. Louis-Joseph Hébert sentait ses jours comptés. La solitude et l’isolement pesaient lourdement sur une triste fin de vie qu’il voyait défiler devant lui.

M. Hervé Bertrand et M. Louis-Joseph Hébert, alias Nestor, à l’hôpital Notre-Dame de Montréal le 29 août 2025.

Affiche du film « Nestor et les Oubliés » (2006)

Nestor aussi n’est pas n’importe qui. Il était l’inspiration et le personnage principal du film de Benoît Pilon, intitulé Nestor et les Oubliés (2006). 

M. Louis-Joseph Hébert a joué Nestor et les Oubliés est l’image vivante des enfants orphelins crucifiés par Maurice Duplessis sur les croix des Frères de la Miséricorde du village d’Huberdeau dans les Laurentides au Québec. 

Trouver ce témoin de l’époque de la Grande Noirceur du Québec, à terre dans un parc au milieu de la nuit, corps dévoré par les punaises de lits, révèle un signe d’extrême pauvreté. La police était obligée de le transporter à l’hôpital pour qu’il soit l’hospitalisé. 

Selon lui, sa vie commence à prendre fin. Cet homme, jadis colosse et gaillard, est aujourd’hui affaibli par son vécu et les souvenirs d’une vie épouvantable. Toutefois, il demeure imminant témoin de plusieurs décrits liés aux orphelins de Duplessis, il porte la mémoire des orphelins institutionnalisés de Duplessis que le gouvernement québécois cherche à éclipser par la force de son mutisme.

M. Louis-Joseph Hébert, alias Nestor, a insisté pour que M. Hervé Bertrand non seulement lui rende visite à l’hôpital, mais aussi pour lui a demander d’apporter une enregistreuse afin d’enregistrer des bribes de souvenirs qui lui remontent en surface. Quand il m’a entendu parler de M. Henri Barnabé et le profond lien émotionnel qui nous lié, il m’a serré dans ses bras. Nestor aime les orphelins de Duplessis. Ils sont tous ses frères et ses sœurs nés d’une matrice saignante de l’histoire du Québec. D’ailleurs, M. Hervé Bertrand ne comprenait toujours pas pourquoi le gouvernement du Québec a rendu confidentielles les coordonnées des orphelins institutionnalisés de Duplessis. Ils n’ont jamais réussi à se regrouper tous ensemble, ces frères et sœurs d’âme. Leur Comité peine à retracer le peu de ces survivants à travers le Québec et ailleurs.

 « L’expression immédiate d’une douleur n’a rien à voir avec la littérature, sinon les hôpitaux seraient des maisons d’édition. » 

Jean-Pierre Milovanoff 

Emily ou la déraison (P.67)

L’histoire des orphelins institutionnalisé de Duplessis à l’étranger 

Il y’a quelques semaines, je m’entretenais avec une journaliste indépendante basée à Londres, Mme Simona Rata. Elle travaille sur un projet de podcast de six épisodes relatant l’histoire des enfants de Duplessis. J’étais impressionné par l’intérêt qu’elle porte à cette chronique de l’histoire du Québec. Elle cherchait à tout prix à interroger le maximum possible de ces survivants. Elle ne voulait surtout rien échappé de cette portion d’histoire qui lui tenait à cœur.

L’enterrement des orphelins institutionnalisés et l’absence de l’État

Le 27 août 2025 à 13h00, M. Hervé Bertrand et son vice-président, M. François Pelletier accompagné de Mme Kahentinetha Horn, grande militante, activiste des droits des autochtones, M. Philippe Blouin, PhD de l’université McGill, ardent défenseur des droits des autochtones se sont rendus au cimetière de Laval pour inhumer, le même jour, la même heure sept confrères et consœurs orphelins de Duplessis. Il s’agissait de M. Claude André Martin, Mme Micheline Baron, M. Ubald Cadieux, M. Marcel Desormeaux, M. Pierre Dupuis, M. Hector Irma, M. Serge Labranche. 

Le gouvernement de Maurice de Duplessis les avait arrachés de leur arbre généalogique pour faire d’eux des orphelins, des personnes sans racines, sans attaches réelles. Ils ont tous vécu pauvres, dispersés à travers le Québec et dans d’autres provinces canadiennes. Ils ont existé ou presque et sont morts dans une indifférence totale. Une fois incinérés au plus faible coût, le Curateur public envoie leurs urnes funéraires au Comité des orphelins de Duplessis pour les enterrer. Le Comité des orphelins institutionalisés de Duplessis a travaillé très fort pour obtenir un petit carré de terre au cimetière de Laval avec une pierre tombale en guise de monument à la mémoire de ces orphelines et orphelins institutionnalisés de Duplessis.

Les grands absents 

Pendant que je remettais au fossoyeur l’urne contenant les cendres de M. Pierre Dupuis, l’un des sept orphelines et orphelins de Duplessis, pour l’installer dans sa dernière demeure, une seule question pressée de douleur m’était venue à l’esprit, pourquoi, le Premier ministre du Québec ou l’un de ses représentants n’est-il pas à ma place? Notre Premier ministre a manqué une occasion en or pour refaire son image au sein de l’histoire du Québec.

Qu’en était-il des Ministres lors de ces enterrements, Mathieu Lacombe, Jolin Barette Simon, Rouleau Chantal, Ian Lafrenière ou Lionel Carmant.  

L’orgueil, l’ignorance et le désintéressement ne sont pas des signes de noblesse dans l’histoire d’un peuple. 

L’auteur de ces lignes en train de mettre en terre M. Pierre Dupuis, l’un des sept enfants orphelins de Duplessis enterrés le 27 août 2025 au cimetière de Laval, Québec.

Honoré d’être à cette cérémonie, je me sentis toutefois mal à l’aise, M. Pierre Dupuis, je ne le connaissais pas personnellement et je ne l’avais jamais rencontré. C’était au gouvernement du Québec d’être présent à cet instant.  C’est lui qui a coupé ces enfants de leurs arbres généalogiques. Ils sont partis seuls dans la vie et ils se sont rendus seuls à leurs tombes, sinon avec la présence de quelques honorables militants en défense des droits.

En portant entre les mains M. Pierre Dupuis, j’avais une forte pensée à M. Henri Barnabé. Durant cet honneur qu’on me faisait, je souhaitais de tout mon cœur, que le ciel s’ouvre et accueille à bras ouverts ces enfants martyres, victimes d’un crime commandé par un gouvernement indigne dans l’histoire du Québec.

L’auteur de ces lignes refermant la tombe des défunts. Ici, il est entouré de M. François Pelletier, vice-président du Comité des orphelins de Duplessis, de Kahentinetha Horn, activiste autochtone et mère Mohawks, Philippe Blouin, PhD de l’université McGill, ardent défenseur des droits des autochtones.

L’actuel gouvernement du Québec peut-il se rattraper ?

Pour se rattraper, le gouvernement du Québec devra donner plus que des excuses et des hommages ou encore des applaudissements. La réconciliation ne se fait pas avec le subterfuge politique.

Recommandations pour un gouvernement honorable :

  1. Faire reconnaître cette page d’histoire dans les manuels scolaires pour nos générations présentes et futures. L’histoire des orphelins de Duplessis est inconnue par notre jeunesse au Québec et encore moins ailleurs. Avec la mort du dernier survivant de ce drame, on risque de ne plus parler des orphelins de Duplessis. 
  1. Inclure dans le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, un volet dédié aux années sombres de ces victimes de Duplessis. Il ne faut pas avoir honte de montrer la vraie face de l’histoire d’un peuple, qu’elle soit assombrie, sinistre ou tragique. Dissimuler un tel drame est une autre tragédie.  
  1. Aller vers une vraie conciliation avec le reste des survivants. Ne pas les laisser partir ces citoyens dans le déchirement et la déception. Actuellement, ils ne sont pas nombreux pour être accueillis toutes et tous au salon Bleu de l’Assemblée nationale, signe d’une vraie reconnaissance et d’un pardon authentique. Un tel geste serait guérisseur et redonnerait, éventuellement, aux restes des victimes et leurs descendants un semblant de dignité. 
  1. Rouvrir le dossier de leur indemnisation et réindemniser aux montants de mérites toutes ces victimes de ce crime d’État.  

Agir avant le départ final

A l’instant de tracer ces lignes, je reçois un appel de M. Hervé Bertrand, il m’annonce la mort de deux autres orphelins de Duplessis, M. François Richer et M. Robert Dallaire. Ils étaient tous les deux au pensionnat du Mont-Providence. M. Hervé Bertrand cherche la présence de beaucoup de monde pour souhaiter à ses frères d’âmes un départ en paix vers l’éternel. 

Le départ et la fin imminente de ces survivants d’une sale histoire se poursuit dans l’insouciance totale de nos gouvernements. J’espère que ni Ruba, ni Hadj vont se lever seuls ou iront seuls enterrer le prochain orphelin institutionalisé de Duplessis surtout si celui-ci ou celle-ci a marqué l’histoire par son combat, ses œuvres, son courage et son dévouement à l’histoire, à la mémoire collective des orphelins institutionnalisés de Duplessis. 

Incontestablement, il revient au Premier Ministre du Québec d’abord de suffisamment s’instruire de l’évolution et de l’impact de cette courbe d’histoire sur la vie de ces victimes. Il pourrait aller agrandir le petit carré de terre mémorial des orphelins de Duplessis au cimetière de Laval ou celui de Saint-François d’Assise à Montréal et se recueillir honorablement, au nom de tout le Québec, à la mémoire des orphelins de Duplessis.

Hadj Zitouni

directeur général

Mouvement Action Justice

Organisme en défense des droits.

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Quand le profilage ethnique cogne à votre porte

Montréal, 14 mai 2025

Par Hadj Zitouni, directeur général 

Mouvement Action Justice

Organisme en défense des droits

« Il arrive un moment où la seule façon pour un Homme de garder sa dignité, c’est de casser la gueule à un flic. C’est notre dignité qu’ils veulent nous enlever ».

        John Steinbeck. Prix Nobel de littérature 1962. 

        Les raisins de la colère. P. 763.

Le 12 novembre 2024, un jeune Longueuillois jeta un sac poubelle dans le bac à ordures situé au fond de la cour arrière de la maison. En s’apprêtant à rentrer chez lui, il remarque la présence d’un policier qui ouvre et qui franchit la porte de la cour. Le policier le pointe du doigt. Empressé par le froid et intrigué par l’intrusion, le jeune court vite vers l’intérieur de la maison et se refuge dans sa chambre où il lève les stores et pousse le châssis de la fenêtre. Maintenant, les policiers sont rendus deux, celui qui l’a apostrophé par un regard intense se trouve à deux pas de l’entrée de la résidence, le second policier barre par sa corpulence la sortie de la cour. Un échange houleux s’amorce entre le jeune et le premier policier. Ce dernier lui ordonne de se rendre à l’extérieur. Le ton du policier monte d’un cran et les interrogations du jeune s’amplifient en amont.

À ce moment-là, le père du jeune, M. Kourdassi, un retraité sommeillant sur son canapé, se réveille brusquement, il chausse en mouvement précipité ses pantoufles à l’envers et se rend à l’extérieure pour voir ce qui se passe dans sa cour. Il tombe face à un policier irrité, qui regarde en direction de la fenêtre où la tête du jeune homme s’élevait. Le père affiche d’emblée un sourire forcé et introduit en même temps quelques mots de bienveillance. Le pauvre père tente de désescalader la tension. Toutefois, le policier ne lui prête guerre attention et il crie encore sur le jeune en continuant de lui ordonner de sortir de chez lui, sinon lui dit-il : « je monte t’arrêter ».

En cherchant à relever son autorité de chef de famille, le père hisse sa voix qui se perd dans le bruit confus des échanges. Il attend, espérant obtenir des explications à l’introduction surprenante et usurpatoire des policiers sur son terrain. Étant donné qu’aucune réaction ne lui parvient, le père commande fermement à son fils de se taire. Ce dernier baisse la voix sans s’abstenir entièrement, puis soudain, son visage s’éclipse de l’ouverture de la fenêtre suivi de l’extinction de sa voix.

En le perdant de vue, le policier affiche un niveau de stress plus élevé, mais une fois que le jeune réapparait à l’entrée, collé à son père, le visage du policier se décontracte relativement, hormis ses yeux furieux qui continuaient à exalter une hostilité sans borne, qui dévoraient le jeune sans le relâcher d’un clin d’œil. 

Maintenant, l’attention de M. Kourdassi vire en coup de vent sur le numéro de badge du policier, qu’il l’enregistre dans sa mémoire sans grand effort.   

Tout au long de l’entremise à vouloir engager un dialogue avec le policier, M. Kourdassi n’a eu droit à aucune réponse, aucun ménagement. L’attention du policier matricule 12156 du service de la police de l’agglomération de Longueuil demeure plutôt localisée exclusivement sur le fils. Puis sans préavis aucun, le policier avance d’un pas de loup et tente de coller la main au jeune. Ce dernier esquive la main tendue vers lui et s’est poussé derrière son père.

Rendu à bout de nerfs, le père enjoint le policier de quitter sa propriété et d’aller chercher un mandat de perquisition. Mais avant même d’achever ses mots, le matricule 12156 bond d’une force inouïe sur le père, il l’étrangle à l’aide de son avant-bras contre la porte béante.  La manœuvre du père à vouloir se défaire de la prise du policier n’a pas fonctionné sous le regard fugitif, froid et acéré qui s’est fait entre les deux hommes. Après quoi, le père entend des injures, reçoit des coups, ensuite un écran noir l’envahit.  

Sous le poids du corps qui s’affaissait au fur et à mesure de l’étouffement, le policier finit par lâcher prise. Le père s’effondre comme un bloc de ciment. On le menotte en toute hâte. Aussitôt, le matricule 12156 actionne son radiotéléphone et demande des renforts. Dans sa chute vers le bas, M. Kourdassi tente d’absorber de plus grandes quantités d’air. Il sent son cœur lâché. Le second policier vient prêter main forte à son collègue et fonce violemment sur le jeune homme. Il le fait tomber dans les marches de l’escalier menant au sous-sol. Le policier l’arrête sans que le jeune y fasse la moindre résistance. 

Dans une débandade totale, la mère du foyer, en état de choc, alerte les policiers que son mari est sujet à des problèmes de santé envenimés et qu’il risque à tout moment de perdre la vie. Cet appel reste lettre morte.  

Des renforts du service des policiers de l’agglomération de Longueuil arrivent sur les lieux. Le père demi conscient fut trainé jusqu’à la voiture patrouille. On le jette sur la banquette arrière, les deux policiers prennent place à l’avant. Au moment que le matricule 12156 entame à compléter une contravention, la voix du père leur parvient en cascade, gémissante. Il les supplie d’aller chercher sa Ventoline. Il soupire et ajoute qu’il n’arrive plus à respirer. 

« Crève-toi espèce de baveux » lui lance le matricule 12156. La voix secouée du père qui se perd lentement attire l’attention du matricule 11971. Celui-ci se tourne et prend connaissance de l’état physique alarmante du père : les yeux vitreux, clignotent lourdement en signe de détresse. Là! Le visage du père est presque éteint et une salive écumeuse se forme sur le bout de ses lèvres. Le matricule 11971 s’empresse à lui enlever les menottes, le remet sur le dos et laisse la portière du véhicule ouverte. Il appelle une ambulance et retourne rapidement au domicile pour récupérer la Ventoline et d’autres médicaments. 

L’ambulance arrive et quitte rapidement les lieux vers l’hôpital Pierre-Boucher de Longueuil sans escorte policière. Les agents du SPAL venus en renfort indûment, évacuèrent la place sans tarder avec des sourires qualificatifs, voire gênants. Le matricule 12156 laisse une contravention (No: 23 412 535). Il souligne l’infraction : « propriétaire d’un véhicule dont un feu de freinage arrière n’est pas constamment en bon état de fonction ». Il précise que la voiture est de couleur grise. 

Quelques semaines plus tard, le père écrivait dans sa plainte à la déontologie policière que sa voiture n’est pas de couleur grise et s’est demandé pourquoi les policiers n’ont pas arrêté son fils sur la route si celui-ci avait commis une infraction au code de la sécurité routière?  

La Commissaire à la déontologie policière déclenche une enquête. 

La plainte au nom du père-plaignant sous le numéro PLA 24-4170 s’inscrit à la déontologie policière. L’odeur du profilage ethnique est écœurante, elle prend le dessus du dossier. La Commissaire à la déontologie policière, Me Mélanie Hillinger rapplique la nouvelle directive de la loi 14, loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique, M. Kourdassi est irrévocablement épargné du processus de la conciliation obligatoire. À ce stade, il n’est ni obligé à s’assoir avec le matricule 12156, ni à l’entendre et encore moins à être soustrait à signer un engagement de confidentialité préalable quasi obligatoire conformément à l’article 164 de loi sur la police : se taire et s’abstenir à révéler quoi que ce soit de ton calvaire. 

Mercredi, le 02 avril 2025, devant, Mme Isa Savoie-Gargiso, enquêteuse à la déontologie policière, le père revient avec beaucoup d’émotions sur l’évènement du 12 novembre 2024. Après avoir décrit comment il a été trainé et jeté dans le véhicule de la patrouille comme un sac d’ordures sous les yeux de sa famille et de ses voisins, il s’est attardé sur le croisement de regards qu’il a eu avec le matricule 12156 lors de son étranglement. Il souligne non pas qu’il était à deux doigts à perdre la vie, mais plutôt, il décrivit sa stupéfaction face à la haine bouillonnante qui inondait les yeux du matricule 12156. C’était le regard d’un tueur à sang froid disait-il à l’enquêtrice. Je me souviendrai toute ma vie de ce regard de rejet, de haine et de mépris. 

Le père affirme que s’il est encore en vie, c’était grâce au poids de son corps qui s’est écroulé lourdement, échappé vers le sol des mains du policier forçant la prise à se défaire autour de son cou. Autrement, le policier aurait continué sa pression mortelle comme d’autres policiers le font dans leurs interventions sous prétextes d’attendre l’arrivée des renforts.    

Le 15 avril 2025, l’enquêteuse assignée à ce dossier informe le père qu’elle va cesser de s’occuper de son dossier parce que deux de ses témoins refusent de participer à l’enquête. Ces témoins craignent d’être victimes de représailles. L’enquêteuse retourne le dossier au bureau du Commissaire. 

Dans ce processus d’enquête déontologique, une loi accorde aux policiers le choix de participer à l’enquête ou à décliner. L’enquête peut durer six mois. Connaître le résultat de cette enquête peut aller jusqu’à un an si ce n’est pas plus. Pendant tout ce temps les plaignants-victimes continueront à attendre, vainement. 

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Une commissaire visionnaire évincée de son poste

Mouvement_Action_Justice_Une commissaire visionnaire évincée de son poste

Me Mélanie Hillinger, ex Commissaire à la déontologie policière lors de l’une ses rencontres avec l’auteur de ces lignes.  Photo de MAJ.

Montréal, 05 mai 2025

Par Hadj Zitouni, 

Directeur général 

Mouvement Action Justice, organisme en défense des droits. 

Quand un haut fonctionnaire devient encombrant, on le mute à d’autres fonctions qui deviennent des paravents d’éloignement en douceur. En date du 19 mars 2025, le Conseil des ministres du gouvernement de François Legault a procédé à la mutation en mi-mandat de Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière. Un mandat prévu pour une période de cinq ans et plus. Le hic, est que depuis 1990, date de la création du système de déontologie policière au Québec, aucun Commissaire n’a été muté ou évincé de son poste avant la fin de son mandat. Parmi les Commissaires, il l’y en a même eu certains qui ont fait deux mandats et même davantage. 

Entrée en fonction le 27 avril 2022, Me Mélanie Hillinger devient la première femme à occuper ce poste et étrangement, elle est aussi la seule à être démis de ses fonctions avant la fin de ce contrat. Dissimuler ce départ par une promotion séduisante ne change rien au fait qu’on se débarrasse de cette Grande Dame.  Tout le travail qu’elle a accomplie depuis sa nomination se reflète dans le malaise qu’on pouvait ressentir chez elle lors de nos rencontres. Un malaise face à l’impunité policière. Me Mélanie Hillinger croyait à une possible réforme profonde de ce système de la déontologie policière qui ne fait qu’accentuer le mal des citoyens-plaignants contre l’abus policier. 

C’est avec une volonté insoupçonnée à relever le défi qu’aucun autre Commissaire n’a réussi à soulever avant elle, que Me Mélanie Hillinger a brassé la cage du ministre de la sécurité publique en poste pour augmenter le budget de son organisme. Elle est la seule qui a renforcé le nombre d’enquêteuses et d’enquêteurs et à avoir déclenché un nombre record d’enquêtes, notamment quand les plaignants alléguaient des conduites discriminatoires susceptible de constituer un acte dérogatoire des policiers. Ces plaignants ne sont plus obligés de s’humilier dans le processus d’une conciliation forcée, autour d’une table-laboratoire de formation continue sur mesure pour compléter la formation des policiers fautifs. 

Nous avons assisté et nous avons constaté des changements draconiens depuis l’arrivée de cette Grande Dame à la déontologie policière. Le respect envers les citoyens-plaignants et les militants des droits est maintenant de mise.

Quelques exemples concrets:

  • Nous sommes le 25 février 2025. Nous accompagnons un plaignant convoqué à participer à une enquête déclenchée par la Commissaire à la déontologie policière. Avant de franchir le bureau de M. Marc Pigeon, enquêteur attaché à cet organisme, le plaignant se plaint d’un malaise terrible. Il se remémore un article à charge de M. Marc Pigeon, alors que celui-ci était journaliste au Journal de Montréal. L’article en question prenait la part des policiers et dénigrait un citoyen se plaignant d’actes dérogatoires de policiers. Nous soulevons l’interrogation à M. Marc Pigeon et celui-ci admet rapidement la possibilité du cas. Pour cette raison, nous demandons son retrait de l’enquête et nous insistons pour rencontrer son directeur M. Steve Desroches. 

Après une bonne quinzaine de minutes, M. Marc Pigeon revient nous voir accompagné de M. Pascal Gosselin qui se présente enquêteur désigné de facto par le directeur des enquêtes, M. Steve Desroches. 

Jusque-là, nous endossons le coup, mais quand cet enquêteur nous déclare qu’il est prêt à procéder, ça nous déstabilise. Notre nouvel enquêteur n’avait pas jugé nécessaire de s’instruire du dossier avant de débuter l’enquête. Face à cette situation, nous avons demandé de mettre fin à la rencontre. Notez que Pascal Gosselin est un ancien policier qui a travaillé au Service de Police de la Ville de Montréal, durant 27 ans avant de se convertir en enquêteur à la déontologie policière. 

De retour aux bureaux de Mouvement Action Justice, nous envoyons une plainte à la Commissaire : nous déplorons les enquêteurs désignés et nous reprochons le refus de M. Steve Desroches, directeur des enquêtes, de ne pas venir à notre rencontre. 

Sans tarder, le lendemain matin, 26 février 2025 à 11h06, nous recevons une réponse de Me Mélanie Hillinger. Ici nous vous citerons que quelques mots de cette correspondance révélatrice d’une personne qui prenait à cœur son travail, le respect envers les plaignants et sa tentative émouvante de vouloir redonner confiance aux citoyens :

« En suivi de votre correspondance, j’ai convié tôt ce matin, mon directeur des enquêtes M. Steve Desroches et les deux enquêteurs qui ont été impliqués dans la plainte…….  Un nouvel enquêteur sera assigné sous peu pour répondre à votre demande…il en va du succès de cette enquête et de la préservation de son intégrité si jamais le dossier devrait se rendre devant le tribunal administratif de déontologie policière. » Fin de citation

  • Le 25 septembre 2023, Mouvement Action Justice se déplace bénévolement de Montréal jusqu’à Sainte-Agathe-des-Monts dans la région des Laurentides, pour assister une plaignante autochtone des Premières Nations dans une rencontre de conciliation en déontologie policière. La conciliatrice, Madame Nancy Malo se montre dégradante et irrespectueuse envers nous. Devant une telle attitude, nous avons demandé de suspendre la séance de conciliation pour lui rappeler son manquement aux valeurs déontologique. Malgré tout, elle n’avait pas l’air de saisir sa saute d’humeur. 

Encore là, nous nous sommes référés à la Commissaire. Elle n’a pas tardé à nous répondre, Me Mélanie Hillinger :    

« Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier d’avoir porté́ cet évènement à ma connaissance. De plus, il m’apparait important de vous souligner que le Commissaire à la déontologie policière s’avère une organisation investie d’une grande mission. Pour la réaliser, il doit pouvoir compter sur la confiance de ses parties prenantes au processus déontologique….. ».

Nous vous partageons un dernier exemple de nos échanges et de nos rencontres avec Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière évincée tristement de son poste en mandat. Elle nous écrit au mois d’octobre 2024: 

« En préparation de la mise en œuvre des changements législatifs suivant l’adoption du Projet de loi 14 et du nouveau mandat de prévention, la Commissaire à la déontologie policière, Me Hillinger aimerait vous convier à une rencontre en présentiel à notre bureau de Montréal afin de discuter avec vous de ces changements ». Fin de citation.

Bien entendu, nous avons répondu, favorablement à l’invitation de Me Mélanie Hillinger malgré que des militants de notre mouvement et d’autres s’y sont objectés. 

Rendus à ses bureaux, l’accueil nous a été sans surprise. Franchement, cette Grande Dame est digne d’une diplomate aguerrie, respectueuse avec une simplicité qui fait lacune à un grand nombre de nos hauts fonctionnaires. Souriante tout le long de la rencontre en nous laissant nous exprimer librement, sans jamais nous interrompre. Il suffit de la regarder dans les yeux pour comprendre son souci de nos préoccupations partagées.  Elle comprenait notre combat contre le processus perçu comme injuste et inhumain de la déontologie policière. 

Lors de cette rencontre, le Commissaire nouvellement assigné M. Michel Desgroseillers, accompagnait Me Mélanie Hellinger.  Celui-ci, à l’emploi de la déontologie policière depuis une dizaine d’années, nous a été présenté par Madame la Commissaire dès son arrivée à la rencontre, sinon, M. Michel Desgroseillers n’a pas prononcé un seul mot jusqu’à la toute fin de la discussion. Assidu au rôle qu’elle lui avait confié Me Mélanie Hillinger, celui de prendre des notes, il levait la tête rarement un regard ambigu et curieux comme celui qui cherche à ne rien rater de la conversation. Il revêtait le statut d’un fonctionnaire de la fonction publique, ni plus ni moins. Sans appel aucun, à coté de Me Mélanie Hillinger, ce type n’affichait malheureusement nullement l’étoffe d’un Commissaire à la déontologie policière. 

On pourrait croire que ce poste lui a été accordé parce qu’il est dans l’organisme depuis une décennie sans même apporter ou influencer un vent de changement. Nommé à cette fonction demande plus qu’un curriculum vitae ou une candidature d’opportunité. D’ailleurs, le poste n’a pas été réellement affiché pour de potentiels candidats, ce qui auraient pu masquer ce renvoie inattendu, imprévisible et maladroitement préparé pour la sortie de Me Mélanie Hillinger.      

Selon nous, Me Mélanie Hillinger était une règle de droit conforme et exemplaire aussi souvent qu’elle pouvait l’être. 

Soigner les relations avec les citoyens-plaignants et les militants en défense des droits démontre la volonté de cette Grande Dame à vouloir recoudre péniblement des attaches de confiance, hélas laissées secs depuis 35 ans.  

Maintenant, il reste à connaitre pourquoi on a relevé Me Mélanie Hillinger de ses fonctions alors que nous étions témoins de sa pleine ascension dans sa mission.  À notre humble avis, elle demeure temporairement irremplaçable pour ce poste en attendant une profonde réforme de la déontologie policière.

Merci pour votre présence et votre engagement !

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à toutes les personnes qui ont assisté à notre conférence sur la DPJ du 25 mars 2025. Votre présence et votre engagement témoignent de l’importance de ces discussions pour l’avenir de la protection de la jeunesse.

Un merci tout particulier aux étudiants de la faculté de Droit de l’Université de Montréal volet droit de la famille pour leur précieuse collaboration. Votre contribution a enrichi nos échanges et permis d’apporter un éclairage essentiel sur les enjeux juridiques liés à la DPJ.

Nous aimerions aussi entendre vos idées ! Si vous avez des suggestions de sujets à aborder lors de nos prochaines conférences, n’hésitez pas à nous les partager. Votre opinion est précieuse et nous aidera à organiser des événements qui répondent à vos préoccupations.

Ensemble, continuons à sensibiliser, à informer et à travailler vers des solutions pour le bien-être des enfants et des familles.

À très bientôt pour d’autres événements !

Une manifestation annuelle au profit de la sécurité publique.

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La manifestation annuelle contre la brutalité policière du 15 mars est née d’un ras-le-bol de l’abus policier. Elle a toutes les justifications valables d’être là avec sa 29e année d’existence. Une longévité exceptionnelle qui n’est pas prête à s’éteindre aussi longtemps que le phénomène dégradant et inhumain de la brutalité policière ne disparaisse de notre vie quotidienne.   

Heureusement, la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que la Charte des droits et libertés de la personne garantissent à ces manifestants le droit de manifester leurs désaccords. Cette démonstration saine de l’émotion collective est la forme la plus authentique de la liberté d’expression. Il incombe à l’État le soin d’être attentif à la voix des citoyens, l’accueillir et l’admettre dans le politiquement correct qui ne peut avoir de but que celui de remettre l’abus policier en question et d’aller vers une paix sociale durable. C’est toute la beauté d’une société civilisée en marche qui se dessine dans cet horizon. 

Dans la foulée des manifestations qui ont sillonné l’histoire de l’homme, la manifestation annuelle contre la brutalité policière s’insère dans la colonne du temps en petit feu qui refuse de s’éteindre aussi longtemps que les excès des forces de l’ordre continuent de faire des victimes innocentes. Chaque année, les stratèges et les déploiements des renforts policiers se poursuivent avec des arsenaux abortifs, quasi impressionnants, réservés exclusivement à cette marche, ne cessent au fils du temps de se renforcer et de tenter à décourager le plus grand nombre possible de citoyens à ne pas se joindre à cette éclosion. À l’évidence on craint que ces éclosions en étincelles enflamment les esprits, les allument et les éclairent sur un autre chemin de vérité.   

Les manifestants fidèles à la marche annuelle contre la brutalité policière sont dans la plupart des citoyennes et citoyens qui rêvent de vivre dans une société exclue de tout abus policier. Ils dénoncent la répression policière et au-dessus de tout, l’impunité à l’égard des agents de l’autorité. C’est un fait incontestable, preuve à l’appui. Il reste indigne de voir des policiers qui enfreignent les lois et puissent bénéficier d’impunités arbitraires, orchestrées par la justice de l’État.  

À Montréal, comme ailleurs, la journée internationale contre la brutalité policière est purement au service des citoyens. Elle ne vise non seulement à dénoncer la brutalité et l’impunité policière, elle s’affiche, prime abord, en rappel annuel, une balise dans le chemin des forces de l’ordre à ne pas transgresser leur propre code déontologique et les lois existantes. Toutefois, malgré la faible prise de conscience de nos politiciens à ce sujet, si tous les citoyens se rendent compte de la valeur ajoutée de cette contribution citoyenne, ils vont se rallier par milliers aux rangs de ces manifestants. Appelant là, une solidarité sociale préventive parce que, l’excès de l’abus policier ne cessera pas du jour au lendemain de faire des victimes innocentes dans notre société. 

Il faut admettre que lors des deux dernières décennies, la marche annuelle contre la brutalité policière qu’on essaye de diaboliser a fait reculer la répression policière d’une manière significative. Parmi les services d’aide offerts aux citoyens, l’organisme Mouvement Action Justice (MAJ) assiste tous les jours des plaignants victimes de brutalité policière.  MAJ peut confirmer que l’abus policier cogne encore plus dur sur les personnes vulnérables, innocentes, sans distinction d’âge ou de l’état de santé de la personne. Tout ça arrive à n’importe quel moment, à n’importe quel endroit, d’une manière inattendue, toujours insoupçonnée lors qu’il s’agit d’une première fois. Manifestement, si nul n’est à l’abris de l’abus policier, les citoyens vulnérables demeurent des proies beaucoup plus faciles une fois entre les mains de celui-ci.    

Lors de ces manifestations annuelles contre la brutalité policière, il reste déplorable de constater l’absence du rôle des médias traditionnels qui se limitent pratiquement à cristalliser dans la une des journaux une vitrine fracassée d’un commerce ou se focaliser sur une poubelle mise à feu sur la voie publique par un ou deux manifestants déchaînés. Voilà qui fait le bonheur des policiers qui fliquent les manifestants à l’œil sophistiqué, s’ils ne sont pas eux-mêmes derrière la mise à feu de la mèche explosive ou la détonation d’une vitrine en éclat. Généralement, l’un de ces deux évènements si ce n’est pas les deux ensembles servent en mot d’ordre policier à resserrer l’étau sur la manifestation et lui mettre fin, parfois à l’aube de ses premiers pas.

N’est-il pas vrai que le rôle premier des médias dans un tel évènement est celui d’interroger les victimes de la brutalité policière et l’impact qu’elle a laissé sur elles? Faire sortir le ministre de la sécurité publique de son mutisme et le faire parler? Le public veut l’entendre ce Ministre de la sécurité publique au Québec. Il est fort de constater que notre Ministre est mis sur un terrain qui lui est totalement inconnu. Il semble être frappé le pauvre Ministre de la sécurité publique par une surdité effrayante à ne pas entendre les gémissements et les sanglots étouffés des victimes de la violence policière.  

Pourquoi n’ouvre-il pas un débat sur une possible réforme de la déontologie policière: un processus inéquitable et malsain où les victimes de l’abus policier servent en formation sur mesures à tous les policiers du Québec qui faillent non seulement à leur code déontologique, mais aux lois qu’ils sont supposés de faire respecter. Cependant, au bout de ce recours au Commissaire à la déontologie policière, les plaignants-victimes de l’abus policier n’obtiennent ni réparation, ni justice, sinon une profonde humiliation aggravante.

Alors que les militants en défense des droits multiplient les demandes de rencontrer le Ministre de la sécurité publique, celui-ci continue à faire la sourde oreille en déclinant toute demande, même à répétition. 

Encore, n’est-il pas aussi important d’inviter les manifestants, les organisateurs de cette manifestation sur les plateaux de télévision, leur tendre le micro des stations radio et les entendre dans un climat sain, libre de toutes contraintes, non encerclé par les forces de l’ordre prêtes à les coffrer à tout moment.  

La manifestation annuelle contre la brutalité policière du 15 mars fait réfléchir celles et ceux qui aspirent au respect de la dignité humaine et d’autres qui veulent construire une société où les agents de l’ordre font partie d’équation susceptible d’assurer la sécurité de toutes les citoyennes et citoyens sans exception aucune à l’égard des interventions policières qu’elles soient justifiées ou non.  Ainsi, nous pouvons espérer combler une paix sociale chère au commun des mortels. 

Le Québec appelle au suicide

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Par Hadj Zitouni, Mouvement Action Justice (MAJ)

Organisme à but non lucratif en défense des droits

Chaque jour, le Mouvement Action Justice reçoit des appels à l’aide. Des citoyens cherchent du secours. Ils nous supplient d’agir rapidement et souvent, nous demeurons impuissants face aux drames humains que notre société vit par défaut à les résoudre.  

De temps en temps, nous partageons ces cris d’alarmes, ces douleurs et ces souffrances via nos écrits. Considérez ce moyen de communication comme acte de notre dernier recours.   

Voici, l’histoire de Mademoiselle Wàng Vi, une Québécoise 100% pure laine qui, dans la fleur de l’âge, pense à nous quitter parce qu’elle n’est plus capable de supporter…

Mardi, le 2 mai 2024. Il est environ 9h15.

Foudroyée par les mots qu’elle vient à peine de décrypter, Mademoiselle Wàng Vi renonce à sortir de chez elle. Elle cède la poignée de la porte pour se concentrer davantage sur la feuille qu’on venait, probablement, d’afficher sur sa porte quelques heures auparavant. Le message collé au milieu du panneau est anonyme, dactylographié en caractères gras. Dans un mandarin singulier, elle peut lire : 

« 在你们俩都被活活死之前离开大楼»

« Dégagez de la bâtisse avant de brûler toutes les deux vivantes »

Ce surprenant communiqué la fige sur le seuil. Les yeux subitement écarquillés, les mains tremblantes, elle se mordille les lèvres, Mademoiselle Wàng Vi. La communication adopte un mode impératif, violent, déversant une haine extrême et un rejet glaçant.

Deux guillemets referment la phrase, pas de point. Rien d’autre. Aucun expéditeur, aucune justification à cette sommation cruelle, âpre, cinglante, horrifiante.  

Mademoiselle Wàng Vi reprend lentement la lecture du message. Les mots se traduisent, détonnent comme des étincelles, par fragments d’interprétations brûlantes. Elle décèle la menace, Mademoiselle Wàng Vi. Les mots ciblent directement sa mère et elle. D’apparence, elles sont les seules Asiatiques à habiter l’endroit. L’immeuble est situé sur la rue Ryde, dans le secteur Sud-ouest de l’île de Montréal, à proximité de la station de métro Charlevoix. Il appartient à l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM).

Transitant d’un mot à l’autre comme une traversée à haute risque, l’air affolé, elle reprend une fois de plus la lecture du message. Sa crainte file à toute vitesse. À cet instant imprévu, presque inattendu, elle s’est figée Mademoiselle Wàng Vi dans le temps, dans l’espace. Son regard révulsé lui enfile la menace qui se dessine dans sa mémoire. Des formes hallucinantes se bousculent dans son esprit en boules de feux l’envahissant progressivement.

Mademoiselle Wàng Vi souffre de troubles psychotiques depuis son adolescence. Durant des années, sa mère Madame Chàng Lee, l’a conduite à la clinique externe de l’Hôpital chinois de Montréal pour la faire soigner. 

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Les lanternes, les statues, les peintures et les calligraphies chinoises lui rappelaient le dispensaire de son village natal en Chine. Ainsi ce centre de services de santé devint un refuge de soins pour elle et sa fille Mademoiselle Wàng Vi. L’ambiance lui évoque un sentiment familier de jadis. Elle y trouve un excellent lieu de rencontre, un espace typiquement chinois où, à la réception un Bouddha sculpté en bois à hauteur d’un nain entouré de végétation artificielle, les yeux tirés en amandes veille sur tout le monde. 

Lors de ces rendez-vous médicaux, les femmes chinoises causent sans arrêt. Elles se transforment en moulin à paroles sans se plaindre réellement de leur vie.

Les soins reçus à l’hôpital chinois de Montréal ont porté fruits à Mademoiselle Wàng Vi. Grâce à leurs suivis, ses crises d’angoisse, d’anxiété et ses dépressions ont considérablement diminué aux cours des années. 

Sauf que là, plantée dans le cadre d’entrée de son domicile, terrassée par la peur et la douleur, Mademoiselle Wàng Vi ressent subitement des frissons, des sensations de chaleur intenses qui lui remontent au visage, au cou, au dos. Le front imbibé de sueurs froides et une envie de vomir lui prend à l’estomac. En scrutant l’horizon d’un retour probable du pic de l’intensité de sa psychose, Mademoiselle Wàng Vi multiplie des respirations profondes. Elle repousse le ressac de ses idées suicidaires qui lui revient de loin. 

Bien entendu que cette jeune femme s’attache à la vie mais, par moment, elle se sent anéantie au point de ne plus vouloir s’y accrocher. Là! Suspendue dans le vide dans lequel elle se retrouve et le silence qui l’émerge à flots, elle ne fait que verser un déluge de larmes.

Hésitante, comme si elle s’apprêtait à désamorcer un engin explosif, sa main droite tremblante s’immisce spasmodiquement et décroche la feuille du milieu de la porte. Tout au long de cette tâche qui lui incombe de décoller la feuille en prenant soin de ne pas l’altérer en guise de pièce à conviction, Mademoiselle Wàng Vi demeure terrifiée. Elle cherche à s’évader de l’instant qui pèse lourd sur elle au point de l’étouffer. En fin de compte, elle réussit à extirper un pas en arrière et finit par rentrer chez elle. Elle ferme la porte à double tour et s’assure que celle-ci soit bien verrouillée. Les messages haineux, comme celui qu’elle vient de recevoir, la rendent agitée, angoissée, voire malade, même très malade.

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D’un pas lourd et avachi, elle avance vers sa chambre, sillonnant un couloir étroit, peu éclairé jusqu’au bout. Elle dépose la feuille sur sa table de chevet et elle s’écroule d’emblée sur son lit, les bras étendus le long du corps, les yeux fixant le blanc jaunâtre du plafond.

Sa mère occupe la chambre voisine à la sienne. Malentendante et souffrant de maladie mentale, Madame Chàng Lee ne quitte presque jamais l’appartement, sauf pour se rendre périodiquement à ses rendez-vous médicaux. Mademoiselle Wàng Vi passe son temps à s’occuper d’elle à plein temps. Après avoir séché plein de cours, elle a abandonné les études et n’avait d’autres choix que de sacrifier le reste de sa vie à prendre soin de sa mère. 

Bien que Mademoiselle Wàng Vi adore sa mère, il lui arrive de vouloir l’étrangler dans son sommeil ou de lui écraser à fond un oreiller sur le visage. À quelques reprises, ses tentatives ont toutes échoué au berceau, l’une après l’autre. Chacune de ses tentatives lui a laissé place à des crises d’hystéries difficiles à dépister pour les psychiatres qui la traitent périodiquement. Toutefois, avec des doses parfois élevées, elle demeure sous contrôle médical. Mademoiselle Wàng Vi ne s’est jamais confessée à qui que ce soit de ses tentatives d’assassinats ratées, d’autres repoussées et chaque fois remises à plus tard.    

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Sa mère lui a enseigné le mandarin dès son jeune âge sans obtenir les résultats escomptés. Elle voulait à tout prix que sa fille garde des points de repères de ses origines. La mère répétait à sa fille qu’un jour elle aura besoin de ces jalons d’attachements. Malgré ses espoirs, le Québec faisait peur, très peur à Madame Chàng Lee. Aujourd’hui, heureusement, elle ne s’en préoccupe plus. Elle est atteinte d’une maladie qui la déconnecte de la réalité, sinon quelques bribes de souvenirs tentent durement de la ramener à son vécu.  

Après des années de sacrifice et de dévouement à vouloir construire une nouvelle vie au Québec et ouvrir une voie de réussite à sa fille, Madame Chàng Lee a fini par perdre la tête à la volée. Pour Mademoiselle Wàng Vi, de sa mère, il ne reste plus que le corps, une enveloppe froissée sans contenu réel. 

Cette mère qui a eu un arrêt brutal de travailler au noir fut exploitée jusqu’à sa dernière contrainte. Elle a espéré sortir de la misère la pauvre maman, sans succès. Son travail dans les magasins d’épiceries, d’alimentation et les restaurants du quartier chinois de Montréal a fini par l’user jusqu’à l’os. Le surpassement des proprios a fini par la mettre à terre. 

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Une nuit d’hiver, 2012

Cette nuit-là, Madame Chàng Lee est rentrée tard chez elle, un peu plus tard que d’habitude. Sa qipao était déchirée au niveau de l’épaule et des bleus paraissaient sur son cou. Elle tremblait comme une feuille Madame Chang Lee. Elle passa deux jours enfermés dans sa chambre lorsque sa fille a décidé de l’affronter pour découvrir une femme indifférente, infortunée, heurtée. Mademoiselle Wàng Vi trouva de l’aide dans le centre de santé communautaire de l’arrondissement de Verdun. Deux travailleuses sociales accompagnées d’une traductrice sont intervenues auprès de la maman Chàng Lee. On voulait connaître la cause de ce changement brusque et inquiétant chez elle. Puis, des enquêteurs du SVMP, Service de la Police de la Ville de Montréal, se sont joints à l’équipe mais, peu de temps après, ils se sont retirés.

Madame Chàng Lee resta introvertie, silencieuse pour une longue période de temps. Des jours, des mois, même des années sans jamais se remette d’un état de trouble de stress post-traumatique. Devant son mutisme, les enquêteurs n’ont pas cherché à aller plus loin. Le dossier fut classé pour manque de collaboration. 

Une famille au Québec. 

À dire vrai, Mademoiselle Wàng Vi s’en fiche éperdument de ses origines. Elle ne conserve que des photos, des traits qui lui collent au visage en permanence. Pour ceux et celles qui la connaissent, elle est Québécoise 100%, pure laine, qu’elle le veuille ou non. Venue au monde dans le Centre Sud-de- l’île de Montréal, l’essence de son appartenance au Québec coule dans ses veines. À dix-sept ans, elle a abandonné ses études et a repris la relève de sa mère au travail. En plus, elle s’en occupait pleinement de celle-ci. Voilà comment Mademoiselle Wàng Vi s’est retrouvée sans le vouloir dans ces endroits où sa mère a bossé depuis son arrivée au Québec.  

Pendant cette période où elle aussi fut employée au noir, Mademoiselle Wàng Vi ressentait des fracassements et des parties se pulvérisées dans son cerveau. Un cliché défilait dans son esprit, il lui dévoile sans cesse la triste fin brutale de sa mère. Elle pensait à y mettre le feu, brûler le quartier chinois en entier. Sauf, qu’au plus profond d’elle, Mademoiselle Wàng Vi cherchait nettement à éliminer sa mère en premier, la supprimer, l’effacer de sa mémoire pour de bon.  

En ce qui concerne son père, elle ne garde aucun souvenir autre qu’une photo enfermée dans un pendentif médaillon autour de son cou. Selon sa mère, son père est devenu picoleur du jour au lendemain et s’est suicidé une nuit d’hiver en se jetant du pont Jacques-Cartier. Quelques années plus tard, le gouvernement fédéral du Canada a colmaté cette brèche en dressant une clôture de métal recourbée au-dessus du parapet du pont pour stopper les vagues de suicides. Plusieurs pertes de vies d’innocents ont été enregistrées sur cette passerelle.

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Un instant de courage.  

Maintenant assise sur son lit, Madame Wàng Vi reprend la feuille. Elle explore ces mots qui la transpercent de nouveau. À la recherche d’indices, elle scrute chaque mot, chaque lettre, chaque signe de ponctuation. Elle n’en exhume que la peur en supplément. Déterminée, elle retient sa respiration un moment puis elle expire lentement, redresse son corps, décroche le téléphone et appelle le poste de police de son quartier (PDQ15).

Elle s’identifie, Mademoiselle Wàng Vi, à la policière qui l’accueille au téléphone. Elle lui fait part de la menace et de sa crainte en lui lisant la sommation qui lui a été adressée. Elle informe la policière qu’elle avait conservé la feuille intacte pour le travail des enquêteurs.

La policière réceptionniste du PDQ15 l’apostrophe sèchement :

Mais de quoi tu parles ?

Je parle de la feuille qui porte la menace de …

La policière lui confisque la fin de sa phrase :

– Écoute, je te conseille d’appeler la Régie du logement en premier.

Immédiatement, Mademoiselle Wàng Vi la corrige et lui rappelle qu’il s’agit d’un acte criminel odieux et que ce genre d’évènement ne relève pas de la juridiction de la Régie du logement. La policière augmente sévèrement le ton, alors que la voix de Mademoiselle Wàng Vi en sanglots s’éteint pour se rependre calmement. Elle informe la policière qu’elle a déjà été victime de menaces et subit du harcèlement dans le passé. Elle insiste que cette fois-ci sa crainte augmente, qu’elle a peur aussi pour sa mère malade. La policière en service lui répond d’un ton impatient : 

– Tu perds mon temps et je n’ai pas juste toi au téléphone. Vas-y en premier à la Régie du logement! Comprends-tu? Et laisse-moi tranquille avec tes conneries de voisins! Appelle ton propriétaire! Ok?

Mademoiselle Wàng Vi tente d’expliquer que l’immeuble n’appartient pas à une personne, mais plutôt à l’OMHM, l’Office Municipal d’Habitation de Montréal.

La policière parle à quelqu’un de son bureau et reprend la ligne. Elle demande à Mademoiselle Wàng Vi si elle avait bien compris?

Cette dernière répète qu’elle n’a pas de propriétaire et que l’immeuble appartient à l’OMHM, l’Office municipal d’habitation de Montréal.

La policière riposte: 

– Alors appelle les services de L’OMHM.

– Madame, j’ai déjà… 

Elle n’avait pas fini sa phrase, Mademoiselle Wàng Vi, quand la policière lui crie sur un ton imposant, voir méprisant:

– Écoute bien, si tu nous appelles encore, on va être obligé de t’arrêter pour harcèlement! As-tu compris ce que je viens de te dire

Voie de fait contre une personne vulnérable!

Mademoiselle Wàng Vi lâche le combiné du téléphone qui tombe par terre. On peut entendre une tonalité qui s’échappe de l’appareil avertissant que la personne à l’autre bout du fil a raccroché. 

Les respirations de Mademoiselle Wàng Vi s’accélèrent, atteignent la détresse. Son cœur lui fait terriblement mal. Sans le moindre mouvement, elle se met à transpirer. Une sueur froide lui couvre le front à nouveau. Elle se penche de son lit pour ramasser le téléphone et subitement, elle s’écroule en se glissant au sol. Sa main attrape l’appareil et elle compose le 911. 

Elle demande l’assistance d’une ambulance. Elle informe l’opérateur qu’elle est victime de voie de fait sur personne vulnérable. On lui demande si l’agresseur est sur le lieu, elle dit non. On lui demande si elle pouvait le ou la décrire? Elle précise que c’est une policière qu’elle n’a jamais vue, ni rencontrée. L’opérateur marque un temps de silence et puis il reprend son questionnaire:

– Mais Madame, comment pouvez-vous prétendre qu’il s’agit de voie de fait alors que la présumée agresseuse n’a jamais été présente sur les lieux ?

Mademoiselle Wàng Vi enchaine qu’elle venait d’avoir une conversation téléphonique avec le poste de police de son quartier (PDQ15).  Elle raconte qu’elle voulait déposer une plainte au criminel et que la policière, réceptionniste de l’appel, s’est montrée agressive à son endroit, condescendante, vexatoire. Selon Mademoiselle Wàng Vi, l’acharnement de la policière à ne pas recevoir sa plainte fut nettement pire que des coups de poings et des coups de pieds. 

Mademoiselle Wàng Vi insiste qu’elle a encore et toujours mal au cœur, mal au ventre et qu’elle a beaucoup de difficulté à retrouver une respiration normale. Lassée de son questionneur, elle presse l’opérateur de cesser de lui poser des questions. Celui-ci lui demande si elle a des problèmes de santé mentale. Mademoiselle Wàng Vi ne répond pas. L’opérateur continue à l’appeler par son nom, mais l’appel fut en vain.

Rendue sur une civière à l’hôpital de Verdun, les deux ambulanciers aident Mademoiselle Wàng Vi à sortir sa carte médicale de son sac à main. L’agente administrative de l’hôpital lui demande son adresse, le nom de sa mère, celui de son père et le nom d’une personne à contacter en cas d’urgence, Mademoiselle Wàng Vi s’exécute. L’agente administrative en fixant l’écran de son ordinateur lui demande cette fois le nom de son pays d’origine? 

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Comme touchée par une décharge électrique, les yeux de Mademoiselle Wàng Vi s’ouvrent grandement et lance un regard éclair qui fige la préposée quelques fractions de seconde puis l’intensité du regard s’égare lentement dans le vide. Un silence froid, saisissant, s’installe entre les deux femmes. L’agente administrative l’air embarrassé, reformule sa question autrement pour lui redemander sur un ton moins élevé, mais sec :

– Êtes-vous née au Québec Madame?

Mademoiselle Wàng Vi laisse sa joue droite tomber sur l’oreiller de la civière et demeure les yeux vagues. 

L’agente administrative, une femme obèse dans la soixantaine qui tenait un sac de chips grand format sur son bureau et une bouteille de coca finit par se lever difficilement de sa chaise. Elle s’approche de Mademoiselle Wàng Vi :

– Ma belle, je suis en train de compléter votre dossier médical et il reste cette question et après, les infermières vont bien s’occuper de vous. Vous devrez me répondre. 

Et pour surmonter l’obstacle, l’agente administrative demande à Mademoiselle Wàng Vi :

– Dites-moi seulement, si vous êtes citoyenne canadienne ou non ?

– Madame, vous avez ma carte médicale, je n’ai rien d’autres à vous révéler. 

Entendre Mademoiselle Wàng Vi répondre d’une voix faible et brisée, l’agente administrative se braque vers les ambulanciers, elle explique que certains patients se sentent vexés devant ce genre de questions. Ils ne veulent pas comprendre que c’est le Ministère de la Santé qui le demande. Les ambulanciers n’ont affiché aucun intérêt à l’entendre. Celle-ci bat en retraire et rejoint son bureau.   

Les ambulanciers transfèrent Mademoiselle Wàng Vi vers une salle de triage et avant de la quitter, l’un des deux qui avait le teint basané se penche sur son oreille. Il lui souhaite un bon rétablissement et il ajoute :

– Vous auriez pu répondre à sa question. 

– Monsieur, je suis née au Québec. 

Estomaqué de ce qu’il vient d’entendre, il reprend : 

– Encore mieux, pourquoi donc vous avez refusé de lui répondre?

– Parce que la question tente d’humilier des citoyens en leur rappelant qu’ils ne sont que des étrangers.   

– Mais ce n’est pas votre cas.

– Moi, je suis classée au second rang, mais d’autres citoyens sont totalement exclus de tout rang. Vous voyez, rien ne nous empêche d’être pour le peu solidaire avec nos concitoyens.

L’ambulancier baisse la tête faisant mine de parcourir sa fiche de transport puis, il la relève lentement pour l’incliner sans plus tarder devant Mademoiselle Wàng Vi et il se retire avec un sourire d’admiration. 

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Retour à la maison

Après une nuit à l’urgence de l’hôpital, Mademoiselle Wàng Vi n’a pas eu de peine à récupérer sa mère au centre d’accueil pour personnes âgées où elle avait été placée temporairement. Madame Chàng Lee a le visage pâle, terne, les yeux vitreux grands ouverts et un regard imprécis. Elle a l’air absente, l’air de ne rien entendre ou de ne rien voir autour d’elle. Sa fille la prend dans ses bras et la serre fort. Lorsqu’elle essaye de chuchoter à haute voix quelques mots dans l’oreille de sa mère, Madame Chàng Lee ne répond pas. La fille aide sa mère à s’asseoir dans son fauteuil roulant et tout le long du retour, les deux femmes sont restées sans dire un mot. De la vitre du wagon du métro, Mademoiselle Wàng Vi examine les annonces affichées sur les quais de métro. Elle s’attarde à réexaminer ces inscriptions-cadres sur un fond orange clair qui interrogent les passagers dans toutes les stations:

Vous pensez au suicide?

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Ravi de revoir ce panneau se multiplier à l’infini dans les stations de métro, elle prend plaisir à répondre oui. Un oui spontané qui s’épanouissait largement sur ses lèvres.  

Elle s’adresse directement et à haute voix à ces panneaux qui se défilent d’un arrêt à l’autre: 

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– Si le Christ en personne ressusciterait parmi nous, il ne tarderait pas lui aussi à répondre par oui. 

Elle n’était pas gênée de le déclarer à haute voix sans le moindre souci. Les personnes qu’ils l’entouraient dans le wagon simulaient des sourires artificiels, craintifs, inquiets… 

Elle était contente, Mademoiselle Wàng Vi de voir qu’elle n’était pas seule dans son choix. C’est l’unique décision mûrie et longuement réfléchie qui lui restait à affronter et la voilà réconfortée à l’arrêt de chaque station de métro: le Québec provoque, incite au suicide et choisit les endroits parfaits pour l’afficher. 

L’inscription ne tardait pas d’ajouter: 

On est là, pour vous.

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Photo : MAJ 2025.

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Intriguée en premier par la virgule qui tente de ralentir l’élancer de la phrase, puis du coup, un NON se résout manifeste, décisif et irréfutable lui échappe sans qu’elle puisse le retenir.  

– N   O    N… Comment pouvez-vous être là, alors que c’est vous qui nous poussez au suicide !

Deux passagères qui occupaient des sièges à côté de Mademoiselle Wàng Vi changèrent de places. La rame du métro se lance à nouveau sur les rails. Mademoiselle Wàng Vi n’a même pas prêté attention au mouvement des deux passagères.  

Elle se sentait piquée au vif, Mademoiselle Wàng Vi. Son sourire disparaissait comme un flash qui s’efface laissant un visage abattu, sinistre. Lors de cet instant précis, elle a eu un désir fou Mademoiselle Wàng Vi d’être un homme l’intervalle de se tenir debout en soldat face à ces écriteaux, ouvrir sa braguette, sortir sa clarinette, vidé son trop plein et laisser entendre le son des éclaboussements de son urine sur le vitrage de ces inscriptions comme hymne national de tous les exclus au Québec. 

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Arrivées à la station de métro Charlevoix, les yeux mi-clos, les paupières chargées de fatigue, Mademoiselle Wàng Vi agrippe les poignées de la chaise roulante et débarque du wagon. La station du métro est sombre. Elle ressemble à une mine de charbon contemporaine. Ici les panneaux rappelant le suicide se trouvent aux extrémités de l’arrêt. 

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L’inscription est à faible distance, quelques centimètres à peine de l’ouverture ou de l’entrée du métro à la station. C’est par cette cavité béante que les suicidants et les suicidantes empruntent à l’abris des regards l’accès pour mettre fin à leur vie. 

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Il suffit de franchir un tout petit portillon battant servant de balise interdisant soi-disant l’accès, descendre cinq à six marches en acier et vous attendez ce départ précipité, patientez peut-être quelques secondes encore le temps que la mort répondra à votre appel.  

Ce rappel incessant au suicide accroché soigneusement au mur dans un tableau vitré, témoin d’un dernier regard ne ralentit pas les Kamikazes, il les incite à accélérer le pas, à fermer les yeux, à se serrer les muscles du corps accueillant la tête du métro en pleine face. 

À l’extérieur de la station, Mademoiselle Wàng Vi est accueillie par un après-midi doux, ensoleillé. Elle esquive un couple, une vieille connaissance de sa mère, la femme fouillait dans les poubelles publiques à la recherche de canettes, bouteilles, tout ce qui est collecte, recyclable qu’elle pouvait emporter dans son chariot. Les Chinois, en particulier du troisième âge, détiennent le record de ce genre de récolte. Ils le font à temps plein, presque tous les jours de la semaine pour tenter d’assurer une vieillesse qui risque d’être difficile pour eux au Québec. 

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Sur le trottoir de la rue Charlevoix, Mademoiselle Wàng Vi tâche de relancer une conversation avec sa mère :   

– Maman, la police m’a téléphoné pour le vol de ta collection de pièces de monnaies

Madame Chàng Lee tourne et lève la tête en direction de sa fille. Elle ne réagit que par un regard évasif, ambigu, plutôt hagard. 

Sa fille voyait dans cette attraction un signe d’encouragement, une ouverture, elle s’enfonce finement:

– La police pense qu’elle va finir par appréhender le voleur et te rendre ta collection.

La maman redresse sa tête et l’incline vers le bas. 

D’une voix cherchant à être rassurante, sa fille lui demande:

– Moi, je pense que tu vas finir par récupérer ta collection. Qu’est-ce que tu en penses maman?  

En continuant d’observer le pavé qui se défile sous les roues de son fauteuil roulant, la mère n’émet aucun avis, aucun mot, même pas le son d’une syllabe. Sa fille se tait et avance en poussant la chaise qui émet un grincement de pneus et un son de roulement défectueux. Sur le long trottoir bien droit, aucun arbre ne venait perturber ce dernier trajet qui les sépare de leur demeure. Elle savoure le bonheur que lui apporte l’été, elle se laisse animée par les rayons du soleil. Une sensation de chaleur l’enveloppe, ses yeux en voie de se fermer s’emplissent de larmes. Elle continue à avancer, Mademoiselle Wàng Vi au rythme du battement des roues mal en point. Et vite, elle se perd dans le tourbillon de ses souvenirs. Elle remonte dans le temps :

Le vol de la collection des pièces de monnaies 

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La lumière du soleil perce la fenêtre et les rideaux en dentelles de la chambre à coucher de Madame Chàng Lee. Celle-ci paraît en colère contre deux policiers du SPVM présents chez-elle. Ces agents refusent de prendre sa plainte. 

Les tiroirs de la commode sont grandement ouverts, des objets et des vêtements en vrac sont étalés sur le plancher. Madame Chàng Lee pointe du doigt le troisième tiroir pour indiquer aux policiers que sa caisse de collection de monnaies est disparue. Mademoiselle Wàng Vi, encore très jeune, traduisait les paroles de sa maman. L’enfant qu’elle était tremblait de peur, ses dents s’entrechoquaient. La mère de Mademoiselle Wàng Vi insiste pour que sa fille explique aux policiers qu’une personne est entrée chez elle pendant leur absence pour voler sa collection de monnaies. Madame Chàng Lee est incontestablement certaine du vol. Cette collection représente pour elle un trésor inestimable en valeur et en souvenirs.

En rentrant du travail ce jour-là elle avait découvert le vol. Rien ne démontrait qu’une introduction par effraction avait eu lieu, les deux policiers ont écarté la thèse du vol. Madame Chàng Lee supplie en vain les policiers d’aller visionner la caméra de surveillance de l’entrée de l’immeuble. Elle leur suggère de rencontrer les deux concierges. Elle se rappelle d’avoir glissé à l’un des deux un excès de mots sur sa collection. Les deux policiers insouciants à l’appel de Madame Chàng Lee, maintiennent le refus de prendre sa plainte et encore moins de filer le dossier à un enquêteur pour mener une enquête. 

Sa colère monte en flèche, Madame Chàng Lee. Elle somme les policiers de sortir de chez elle. Sa fille balbutiait des mots traduits du mandarin en un français impeccable. La petite ajoute que sa mère les accuse d’être racistes à son endroit et le traitement serait certainement différent avec quelqu’un d’autre. L’un des deux policiers enjoint la mère de se calmer, pendant que l’autre s’adresse à sa fille qui tremblotait sur sa chaise. Il lui demande de sommer sa mère de se taire, autrement, ils vont l’arrêter pour entrave à un policier. À cette époque, Mademoiselle Wàng Vi est encore une enfant, pourtant, cet évènement a marqué au fer rouge la mère et sa fille. 

L’un des deux policiers finit par demander à l’enfant si ce n’est pas elle qui aurait pris la caisse de la collection de monnaies?

La petite Wàng Vi fond en larmes en traduisant à sa maman qu’elle vient d’être accusée d’avoir volé la caisse de collection de monnaies de sa mère.

Arrestation abusive d’une personne irréprochable.

Sans tarder, la mère se retourne vers les deux policiers, irritée, contestatrice, voire écœurée, elle les interdit d’accuser sa fille de voleuse. La petite Wang Vi n’a pas eu le temps de traduire lorsque l’un des deux policiers se jette sur Madame Chàng Lee. Il lui plaque la face contre le mur et à l’aide de son avant-bras, il lui ajoute une forte pression sur les omoplates. Il lui bloque les deux pieds contre le mur. Une fois rendu à ce stade, il lui retourne violemment les bras dans le dos et il lui passe les menottes. 

Le policier qui la tient toujours contre le mur crie dans son oreille :

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– TABARNAK, là tu vas apprendre à te calmer maintenant!

Le corps de la mère de Mademoiselle Wàng Vi s’est brusquement relâché dans les mains du policier qui la tient inflexiblement. Embarrassé par le poids, il la laisse s’affaisser au sol. La bouche de Madame Chàng Lee s’est tenue grande ouverte jusqu’à l’arrivée des ambulanciers. 

Le Québec : une porte-piège, pensez-y deux fois avant d’entrer. 

Madame Chàng Lee ne parle pas d’autre langue que le mandarin, peut-être quelques mots en français et certains dialectes chinois du Sud-Ouest de Nanchang, une ville ouverte sur l’océan Pacifique et la mer de Chine. Aux mœurs chinoises, Madame Chàng Lee est restée fidèle. Elle n’a pas cédé un centimètre à cette courroie qui la tient à son pays natal.

Elle est restée attachée à sa culture d’origine, ses coutumes et ses croyances.

Pour certaines personnes comme elle, le Québec demeure certes une entrée perfide à ne pas emprunter à la légère. Longtemps, Mademoiselle Wàng Vi s’est demandé si sa mère n’avait pas raison de s’accrocher à ce lien qui, même si par l’usure du temps, semblait dérisoire.        

L’urgentologue qui a examiné Mademoiselle Wàng Vi après l’incident de la conversation téléphonique avec la policière du PDQ15 lui a conseillé de porter plainte contre la policière qui, par son traitement n’a fait qu’exacerber ses problèmes de santé. Il affirme que son état de choc est dû à l’altercation. Il affirme qu’il s’agit d’une agression et que la santé de celle-ci aurait pu avoir des conséquences plus graves. 

Mademoiselle Wàng Vi juge ainsi que l’agression dont elle a été victime est un acte de voie de fait grave sur une personne vulnérable. Sa vie était mise en danger. Le ton péremptoire et négligeant de la policière et la prolepse utilisée dépassaient largement les crachats et les coups. Mademoiselle Wàng Vi était littéralement asphyxiée par cette violence verbale, au point d’avoir pensé mourir. À la suite de cette brutalité, elle a dû être hospitalisée d’urgence. Ce moment pénible de sa déposition ratée, Mademoiselle Wàng Vi n’a pas pu l’oublier. Elle a la conviction ferme d’être abandonnée par les forces de l’ordre et lâchée rudement de très haut. 

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Visite au quartier général du SPVM

Mercredi, le 5 mai 2024. Après trois nuits d’insomnie, Mademoiselle Wàng Vi décide de se rendre au quartier général du SPVM, Service de la Police de la Ville de Montréal, situé sur la rue St-Urbain, en plein centre-ville de Montréal. Elle veut porter plainte contre la policière qui l’a agressé et qui a refusé de prendre sa plainte. 

À la réception de ce château fort du SPVM, des agents de sécurité lui demandent de patienter et l’avise que quelqu’un viendra la voir sous peu. Mademoiselle Wàng Vi observe le va-et-vient des policiers et des civiles portant des cartables, des chemises à crochets en carton, des enveloppes, des paquets… Tout ce monde traverse une zone détectrice de sécurité. Les portes en vitres coulissantes s’ouvrent et se referment après chaque vérification. 

Les lumières clignotent rouges, vertes. Mademoiselle Wàng Vi compare certaines séquences à celles de films qu’elle a déjà vus. Elle se croit plutôt dans une base militaire en état d’alerte. Alors, qu’elle remet un peu d’ordre dans ses souvenirs, un agent du SPVM la ramène à elle en se présentant :

– Je suis l’agent Stéphane Blais, agent du SPVM.

Il invite à le suivre jusqu’à la pièce proche du passage de la barrière du contrôle, puis il reprend :

– Vous souhaitez déposer une plainte? Mais ici, ce n’est pas un endroit pour les plaintes des citoyens. Vous devez le faire à votre poste de quartier. 

Mademoiselle Wàng Vi qui n’a pas encore prononcé un mot, accueille l’agent avec un sourire et lui répond :

– Bonjour Monsieur l’agent, je m’appelle Mademoiselle Wàng Vi et je suis venue déposer une plainte contre l’une de vos collègues du PDQ15. La policière a refusé de prendre ma plainte au criminel et elle m’a agressée au point où j’ai dû être hospitalisée suite à cette agression.

L’agent un peu déstabilisé, se sent mal à l’aise puis répond :

– Ah, oui, excuse-moi, Bonjour Madame. Vous dites qu’une policière vous a agressée. Est-ce c’est exact ?

– Oui, c’est exact, Monsieur l’agent.

L’agent demande à Mademoiselle Wàng Vi :

– Connaissez-vous cette policière ?  

Mademoiselle Wàng Vi répond :

– Non.

Il l’interroge sur l’endroit de l’agression.

Mademoiselle Wàng Vi précise :

– C’était chez moi, ma mère dormait et j’étais seule dans ma chambre.

Le policier continue à prendre des notes et lui demande en même temps :

– Pouvez-vous me dire de quelle manière cette policière vous a agressée ?

Mademoiselle Wàng Vi relate les événements par la découverte de la lettre de menace collée sur sa porte, puis elle passe à la conversation avec la policière du PDQ15 et termine son récit avec l’arrivée des ambulanciers.

L’agent dépose son stylo, dévisage Mademoiselle Wàng Vi, puis la surprend:

– Si j’ai bien compris, la policière en question ne s’est jamais déplacée chez vous ?

Mademoiselle Wàng Vi confirme et ajoute qu’elle n’a jamais vu la policière et qu’elle ne sait pas non plus à quoi elle ressemble.

Le policier ricane et avec un accent d’étonnement, il poursuit :

– Alors, comment vous voulez accuser de voie de fait une personne qui ne vous a pas approchée physiquement?

Mademoiselle Wàng Vi essaye d’abord de masquer son mécontentement puis, elle dit :

– Je vous dis Monsieur l’agent que j’ai été violemment agressée par la policière au point d’avoir manqué de mourir. Y a-t-il voie de fait plus grave que celui-ci ?

Cette fois, le policier prend un air austère et répond :

– On ne peut pas, Madame, accuser quelqu’un de voie de fait s’il n’y pas eu de contact physique entre la victime et l’accusé.

Mademoiselle Wàng Vi confronte l’agent d’un regard droit et d’une voix consternée réplique :

– Donc, vous refusez, vous aussi de prendre ma plainte ?

– Ce n’est pas à moi de décider, disait le policier. Ceci revient au procureur de la couronne de porter ou non des accusations. Selon le code criminel, votre cas ne semble pas présenter une preuve suffisante pour accuser la policière de voie de fait.

Mademoiselle Wàng Vi prend sa tête dans ses deux mains et demande poliment à l’agent :

– Maintenant, est-ce que la policière qui m’a agressée avait le droit de refuser de prendre ma plainte pour harcèlement?

– Il faut comprendre, Madame, que chaque plainte déposée ne donne pas lieu automatiquement à l’ouverture d’une enquête.  Encore, un policier a un pouvoir discrétionnaire, il peut refuser de prendre une plainte et ne pas l’enregistrer. Dans votre cas, je ne sais pas pourquoi la policière a jugé votre plainte non recevable? Mais pour ça, je vais vous aidez, attendez-moi ici deux minutes, je reviens…

Aussitôt après avoir prononcé ces derniers mots, l’agent disparaît un instant pour revenir en tenant un formulaire qu’il tend à Mademoiselle Wàng Vi.

– Tenez, voici un formulaire de la déontologie policière à remplir. Eux, ils vont analyser votre plainte en profondeur et peut-être même ils déclencheront une enquête. Ils chercheront à savoir si la policière n’a pas fait son travail comme il faut. Vous allez voir, que c’est sérieux. Ils peuvent même citer la policière devant un tribunal. 

Mademoiselle Wàng Vi ne le contredit pas. Elle demeurait silencieuse, évasive, réticente. En exhalant le souffle de ses affres, les muscles de son corps se décontractent. L’agent du SPVM lui demande si elle se sent bien? 

Par un mouvement de tête, elle fait signe de oui.

L’agent lui demande si elle a des questions?

Toujours avec un rythme de mouvement de la tête un peu lent, elle affiche un non évasif, mais formel puis elle se lève de sa chaise. Ses yeux ne cillaient plus dans un dernier regard porté au policier. Elle tourne le dos et quitte la pièce sans s’incliner ou saluer l’agent. Mademoiselle Wàng VI avec un sourire imprégné de mépris a pris soin avant de quitter les lieux de remettre au policier le formulaire qui lui avait confié. L’agent l’observe avec étonnement. Elle descend les quelques marches qui l’amènent à la sortie de l’immeuble. Il sourit, l’agent du SPVM, en mordant discrètement la jointure de son pouce. 

Avant de passer sa carte magnétique au passage de sécurité qui lui ouvre les portes pour l’entraîner dans le mouvement du va-et-vient, l’air intrigué, le policier cherche à jeter un coup d’œil discret sur Madame Wàng Vi. Elle avait déjà disparue de son champ de vision.

Cul-de-Sac.

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De la station de métro Saint-Laurent, Mademoiselle Wàng Vi n’a pas remarqué le temps passé. La ligne du métro est directe jusqu’à la station Charlevoix. Elle pressait le pas pour rentrer chez elle et en essayant de vider sa mémoire, elle se parle à mi-voix: 

– Écoutez mademoiselle Wàng, gardez la tête froide. Restez tranquille. Respirez profondément. Faites évacuer les idées noires de votre tête. Tout va s’arranger, ne vous inquiétez pas …  

Elle se parle à elle-même, Mademoiselle Wàng Vi. Elle récite par cœur ce que les psychiatres lui ont répété presque chaque fois qu’elle était en psychose.

Elle glisse dans la foule comme une roue de bicyclette cherchant à se rendre le plus rapidement possible chez-elle, fermer la porte et s’endormir à fond. Elle espérait que l’entretien qu’elle a eu au quartier général du SPVM soit gommé de sa mémoire comme s’il n’avait jamais existé. Trop de choses en même temps s’ajoutent dans sa vie, se jointent, s’introduisent de force. Elle se sent submerger, dévaster au point à de ne plus avoir la capaciter de supporter.

Arrivée à la station de métro Charlevoix, elle se dirige vers un point précis comme si elle était téléguidée, elle tire son sac à main, elle l’ouvre et extrait un pain au chocolat bien emballé. Elle le dépose à côté d’un itinérant qui dormait comme une bûche sur le sol puis elle continue son chemin.     

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Les passagers se bousculaient à la sortie de la station du métro. Elle file à droite et arpente la rue Charlevoix en esprit absent jusqu’à la rue Mullins. Elle était à quelques pas de son adresse quand le bruit des roulements du train la fait sursauter. Elle se ranime Mademoiselle Wàng Vi. Le CN, ce train de marchandise qui parcours l’Amérique du Nord roulait au-dessus de sa tête sur un vieux viaduc de quelques mètres en plein quartier.

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– C’est fou comment il grince ses dents sur les rails ce foutu de train. 

Puis, elle grogne Mademoiselle Wàng Vi sans lever les yeux pour marquer le transit du train. 

Combien, elle déteste les soufflements de ce train qui passe à tout le moins dix fois par jours? Elle n’a pas d’heures fixes à dormir, ses passages la réveillent en plein sommeil.

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Quelques mètres après, elle atteint le coin de la rue Ryde. Essoufflée, elle marque une pause. Ses yeux atterrissent et se promènent sur un immense embouteillage qui bloque le pont Samuel-De Champlain et l’autoroute 15. Cet axe de pollution est branché à son balcon, à ses fenêtres, à son nez en pérennité. Les ronflements des moteurs se font entendre de si près. Les klaxons de la frustration dû à la congestion lui font apparaître un sourire. Elle engage quelques pas encore et elle se rend devant son immeuble. Un voisin du même étage lui tient la porte d’entrée ouverte. Mademoiselle Wàng Vi le remercie chaleureusement. 

Celui-ci lui demande des nouvelles de sa mère, Mademoiselle Wàng Vi lui apprend qu’elle va bien. Le voisin lui propose si elle voulait une cigarette? Elle dit non. En tenant toujours la porte mi-ouverte, il lui ajoute:

– Avez-vous entendu les dernières nouvelles? 

Mademoiselle Wàng Vi voulait savoir de quelles nouvelles s’agit-il? Mais, elle a préféré répondre: 

– Non, je n’écoute pas les informations. 

Le voisin d’une voix aiguë avec un visage surpris l’informe :

– Donald Trump s’en prend au Québécois, enfin au Canada. Il explore les moyens qui l’aidera à nous rattacher aux moindres coûts aux États-Unis d’Amérique.

Mademoiselle Wàng Vi lui demande :

– Est-ce qu’ils vont le laisser faire?

Le voisin reprend avec peu d’enthousiasme.

– François Legault nous a dit que c’est le temps de se serrer les coudes parce que ça va brasser dans les prochains mois, même dans les prochaines années.

Mademoiselle Wàng Vi comme épeurée répond :

– Est-ce qu’il y’aura une guerre?

– Je ne pense pas répond le voisin. Donald Trump a déjà traité Justin Trudeau d’homme malhonnête et faible. Vous voyez, le Canada n’est pas le pays à mener une guerre. Trump pense à incorporer le Canada avec le reste des États-Unis par la diplomatie. Il n’a pas besoin de nous envahir. Une guerre économique pourrait renforcer les mouvements annexionnistes et les exclus au Québec à appui cet avis. 

Mademoiselle Wàng Vi ne suit pas trop les explications de son voisin, elle lui demande ce que veut dire François Legault par c’est le temps de serrer les coudes ?

Le voisin cherchant ses mots, il finit par lui dire :

– Enfin, la vie va nous coûter beaucoup trop cher. 

Mademoiselle Wàng Vi en guise de fermer la conversation :

– Donc, il y’aura beaucoup plus de suicides ? 

Le voisin affiche une mine navrée et approuve:

– J’avais pensé à ça, mais je n’ose pas le dire, imagine-toi, au Québec il y a au moins trois personne qui se suicident chaque jour…

Mademoiselle Wàng Vi demande à son voisin s’il croit que notre Premier ministre François Legault peut nous aider?

– Ce type n’a aucun poids devant ce bulldozer, lui dit le voisin. Donald Trump ne tient pas compte de quelqu’un comme François Legault. Ce dernier est peut-être bon en économie, mais nul en diplomatie. 

– Comment ? N’est-il pas le Premier Ministre du Québec ?

– Oui, parce qu’il n’y en avait pas d’autre. 

Mademoiselle Wàng Vi ne se sent plus capable de continuer à tenir la conversation, elle s’excuse en y mettant fin. Elle salut poliment son voisin et monte les marches de ses escaliers et avant de tourner la clef dans la serrure de sa porte, elle essuie deux larmes qui venaient de tomber sur ses joues. Elle range ses cheveux et se force de garder un sourire. 

Note 1:

La dernière fois que nous avons rencontré Madame Wang Vi, c’était dans nos bureaux sur la rue Fullum à Montréal. Elle nous a remis une feuille où elle avait écrit:

« Les Chinois sont un peuple résilient. Ils encaissent les coups sans jamais se plaindre. C’est une culture implantée par un régime socialiste de dictature démocratique populaire. Ma mère appartient à ce peuple. 

Moi, je ne suis pas Chinoise, 

Je ne l’ai jamais été et je crois encore moins pouvoir l’être un jour. 

Québécoise de seconde classe, étrangère à moi-même sans identité patente. Depuis ma puberté, je tourne dans une bulle à la recherche d’une issue d’apaisement.

Note 2 : 

Les noms des personnes impliquées dans ces évènements ont été remplacés par des noms fictifs. 

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Valoriser l’humain, est-ce encore possible?

Valoriser l’humain, est-ce encore possible_MouvementActionJustice

Hadj Zitouni, porte-parole

Mouvement Action Justice, 

Organisme en défense des droits.

Mardi, 15 octobre 2024.

Avant de s’introduire éventuellement dans l’interrogation de mon titre, je vous partage un autre titre qui m’a incité à me lancer dans cette introspection : « Humanité et Responsabilité : les services publics face à leurs grandes missions »

D’abord, je tiens à vous rassurer que je suis nullement le concepteur de ce dernier titre. En effet, il appartient plutôt à Me Marc-André Dowd, Protecteur du citoyen. D’ailleurs, vous allez le trouver, ce brillant titre, dans la page d’ouverture Edito de son rapport annuel d’activité 2023-2024. 

À vouloir valoriser l’humain dans notre société, le Protecteur du citoyen a fait de cet en-tête un cheval de Troie galopant. Je vous rappelle que Me Marc-André Dowd fut, dans une vie antérieure, Commissaire à la déontologie policière avant d’être nommé à ce nouveau poste. Je me souviens de l’avoir rencontré à quelques reprises. Effectivement, je ne vous le cache pas, j’étais touché par la modestie et l’ouverture d’esprit de cet homme. J’avais même écrit un article sur cette rencontre qui remonte au mois de janvier 2018. À cette époque, il me faisait pitié Me Marc-André Dowd de le voir planté dans le marais de la déontologie policière. Il était voué, le pauvre Me Marc-André Dowd, à l’échec, car la déontologie policière est une embûche inextricable où les victimes de l’autorité policière sont servies délibérément, voire forcément, comme souris de laboratoires à travers des séances dites conciliatrices qui servent aux profits de formations sur mesure visant à corriger des policiers qui dérogent au code de leur déontologie. Les plaignants-victimes de l’abus policier s’attachaient au processus de la déontologie policière, une fois, deux fois, puis la rupture du lien de confiance suit en définitive sans appel aucun. Me Marc-André Dowd s’est retrouvé, se pensant privilégié comme d’autres Commissaires avant et après lui, au centre de ce laboratoire d’expérimentation abominable où les plaignants de l’abus de l’autorité policière n’ont rien de mérite que le poids de l’humiliation.     

Donc, il était chanceux Me Marc-André Dowd de se soustraire de cette tourbière inhumaine qui fait souffrir des centaines et des centaines de citoyens au Québec au nom d’un processus cruel et dégradant. 

Tout mettre en œuvre pour que la personne demeure au cœur des priorités des services publics. 

Là aussi, ce titre ne vient pas de moi. Il appartient également à Me Marc-André Dowd. D’ailleurs, il fait le bonheur de son rapport annuel d’activité. Une sorte de prise de conscience qui nous résume assez bien la vision de cet homme. 

Le Protecteur du citoyen tente encore une fois de briser le robotisme humain et humaniser les services publics. Il déclare ouvertement un déficit criant au sein de notre société. Autrement dit, Me Marc-André Dowd nous dit que si nous voulons réellement améliorer notre sort, nous devrons valoriser l’humain. Il cible tous les secteurs publics sans exception, Me Marc-André Dowd. Il le dit à haute voix dans son rapport annuel d’activité. Il le répète. Il l’ordonne. Il le suggère: valorisons l’humain avant tout.   

En lisant son rapport annuel 2023-2024, j’ai retrouvé l’homme que j’ai perdu de vue depuis quelque temps. Il voulait bousculer les choses autour de lui, Me Marc-André Dowd, mais lorsque je l’avais rencontré, il avait encore les mains liées et les pieds enfoncés dans la boue de la déontologie policière. Maintenant, Monsieur le Protecteur du citoyen, que vous n’êtes plus dans l’asservissement, nous vous invitons à prêter l’oreille aux citoyens et d’agir en forgeant des liens de confiances et tendre une main protectrice, en particulier aux plus vulnérables de notre société. J’espère que vous allez tenir le coup, debout sur la même voie jusqu’à l’extinction de votre mandat. Être Protecteur du citoyen n’est ni privilège, ni engagement aveugle, mais plutôt une prise de conscience de vouloir apporter de vrais changements. 

 Le chef du SPVM, M. Fady Dagher, a-t-il à son tour une vision?

Après la lecture du rapport annuel d’activité du Protecteur du citoyen, je me suis tourné vers des notes que j’avais prises lors de la présentation du rapport annuel et du plan stratégique 2024-2026 du directeur du Service de la police de la Ville de Montréal, Monsieur Fady Dagher.  C’était devant la Commission de la sécurité publique à l’hôtel de Ville de Montréal le 12 juin 2024. Mes notes m’ont vite rafraîchi la mémoire. M. Fady Dagher est venu avec son état-major nous présenter les grandes lignes de son rapport et de son nouveau plan stratégique. 

À un moment donner de sa présentation, M. Fady Dagher nous a cité les trois grands principes fondamentaux de sa vision d’ici 2026, je vous les cite:

  • Mettre les populations au cœur de ses actions
  • Valoriser l’humain
  • Innover pour const …..  

Alors que le chef de la SPVM continuait à nous expédier son fameux plan stratégique, je me suis brusquement détaché de son train d’expédition en me heurtant sur son deuxième bloc de vision. Le troisième bloc, j’avoue que je l’ai raté par inadvertance. Le choc était un peu dur pour moi. J’étais déstabilisé au point d’être éjecté pleinement de l’écoute. Toutefois, je le voyais M. Fady Dagher tournant les pages, tête inclinée sur une lecture soigneusement préparée et je me suis demandé s’il comprenait réellement ce qu’il lisait par moment. 

À la fin de sa présentation et l’ouverture de la période des questions, j’ai questionné M. Fady Dagher à savoir comment le SPVM avait-il attendu si longtemps, jusqu’à la présentation de son Rapport d’activité 2024, pour viser décisivement dans ce nouveau plan, soi-disant stratégique à vouloir valoriser l’humain? Juste le voir lancer ce bloc de vision sur la place publique, pour moi, c’était assez troublant! La valeur humaine a-t-elle été abondamment exclue de la vision du SPVM au point de nous le rappeler publiquement!

C’est tout un courage! Bravo M. Fady Dagher! Dénoncer ses troupes sur la place publique en amorçant un virage d’urgence vers la reconnaissance et le mérite de la valeur humaine n’est pas rien dans une société où les valeurs, jadis chères à l’humain, ne sont plus d’actualités. 

En revenant à moi après l’accident de ce fameux bloc qui m’a heurté en plein fouet, je me disais : Hélas! Les citoyennes et citoyens, non seulement de la ville de Montréal, ne méritent-ils pas cette valeur qui leurs revient par essence.

Lors de cette présentation devant la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal, je ne requérais nullement le droit à une réponse au risque de mettre le chef de la SPVM dans l’embarras de l’hypocrisie. Toutefois, je l’ai exhorté à une profonde réflexion sur le sujet. Reconnaître l’objet est une chose, mais le mettre en œuvre est une autre.  

Incontestablement, le chef du SPVM, M. Fady Dagher est un homme de terrain. Nous l’avons tous vu jeune policier affleurer les rues de Montréal en quête de rapprochement avec les habitants des quartiers. Nous l’avons entendu et souvent répéter cette maxime : Police de proximité. Ores, ce contact a-t-il fait de lui le visionnaire d’aujourd’hui ou plutôt les fautes majeures de ses troupes ont réveillé sa conscience? 

Au final, je ne peux que quitter M. Fady Dagher, directeur du Service de la police de la Ville de Montréal, le SPVM, sur une bonne note : celle d’avoir eu le courage de dénoncer publiquement ses troupes et de tenter par une vision tardive à valoriser l’humain de nouveau. Pour Me Marc-André Dowd, il lui reste encore et encore du chemin à faire.