La déontologie policière : l’émotion vibrante d’une femme aux commandes.

Par Hadj Zitouni, Porte-Parole

Le 17 janvier 2023

Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière.

La déontologie policière est mise sur pied afin de surveiller et sanctionner les excès et les comportements dérogatoires des agents des forces de l’ordre. Elle favorise à plus de 90% les séances de conciliations, chemin quasi obligatoire pour les plaignants qui, au bout du chemin ne gagnent rien, sinon, raviver une plaie encore béante. Par contre, les policiers qui s’exposent à cet exercice font face à leurs victimes afin de constater l’ampleur de leurs inconduites. Jusque-là, nous sommes en mode prévention, alors qu’en réalité ces arrangements sont une continuité de formation sur mesure a un prix beaucoup moins couteux. Les victimes de l’abus policier deviennent des cobayes par excellence dans ces laboratoires de redressement. Cependant, ce déroulement aussi profitable soit-il pour le gouvernement, est incontestablement dévastateur pour les citoyens, puisque ces derniers pourraient se sentir trahit deux fois plutôt qu’une !

Me Mélanie Hillinger est nommée Commissaire à la déontologie policière le 27 avril 2022. Une promotion faite sans trop de bruit et tout à fait imprévue au départ. A-t-elle bénéficiait d’un coup de pouce pour obtenir ce poste ? De l’avoir rencontré personnellement, j’en doute fortement. Sa nomination a déstabilisé un rang habituellement destiné aux hommes. C’est la première fois en 33 ans de son histoire, que le Québec vient de désigner une femme a la tête d’un organisme qui veillera, pour les 5 prochaines années, au respect du Code de déontologie des policiers du Québec. Les médias non plus, n’y sont pas allé en fanfare pour souligner l’événement et le recours devant cette instance administrative qui demeure encore méconnue pour une grande partie de la population n’a pas aidé non plus. Pourtant, il est question de la paix sociale !

L’abus des agents des forces de l’ordre est devenu un vrai casse tête pour tout le monde. La confiance, cette composante vitale pour la relation pouvoir-citoyens est ébranlée à un point ou des victimes refusent carrément de faire appel aux services de la police de crainte que leurs demandes tourneraient au cauchemar voire même aux représailles. Malgré ce constat déplorable, les sondages et les rapports annuels du Commissaire à la déontologie policière indiquent clairement que la hausse des plaintes contre les policiers ne cesse d’augmenter d’une année à l’autre. Les chiffres sont troublants, voire préoccupants. Tandis que l’impunité policière gagne du terrain malgré l’alarme retentissante d’un réveille citoyen qui incite le gouvernement à agir rapidement. Malheureusement, un esprit archaïque s’agrippe en permanence aux assises du pouvoir et continue de faire croire que, défendre les policiers même s’ils transgressent les codes, les règles et les lois, assure la sécurité de l’état. Sachant également qu’ils représentent les « chiens de garde » et qu’il faut veiller à les abriter de tous soupçons, coûte que coûte, à tort ou à raison !  

En nous invitant le 10 janvier 2023, la nouvelle Commissaire a la déontologie policière, Me Mélanie Hillinger est partie sur les pas de son prédécesseur, Me Marc-André Dowd qui venait, à son tour, d’être nommé protecteur du citoyen. Elle aussi est allait à la rencontre des organismes en défense des droits. D’un mouvement désinvolte, elle glisse sur le terrain, cherchant à briser la glace qui pourrait lui embrumer la vue vers ou elle s’est engagée. Nous n’avons pas osé décliner l’invitation, en signe d’ouverture de part et d’autre. Elle est venue, Me Hillinger, nous accueillir à notre arrivée dans ses bureaux. Elle simulait le confort dans ses nouveaux souliers. Elle se filait d’un endroit a l’autre pour nous conduire à une salle de conférence. Un homme l’a suivi avec un calepin en main, l’air un peu gêné. Elle a tenu à garder son sourire, Me Hillinger, le plus longtemps possible, même s’il semblait légèrement forcé, puis ce sourire s’éteignait brusquement à la vitesse de l’éclair quand nous lui avons demandé comment elle a pu accepter un tel poste où la quête de justice entre force de l’ordre et citoyens est disproportionné et qu’avec toute la bonne volonté qu’elle puisse avoir, elle se dirige vers un mur de béton ?

Notons que Me Hillinger n’est pas le genre de personne qui marque une pose avant de répondre. Aucun tic nerveux ne paraissait sur son visage, sinon ses yeux étaient figés dans un regard intense pour un petit moment puis comme libérée d’une contrainte, elle s’est déclenchée en moulin à paroles tournant à fond. La nouvelle commissaire à la déontologie policière est une vraie communicatrice même s’il lui arrivait de ne pas répondre à la question en l’esquivant subtilement à la recherche d’une issue pour mieux répondre. En survolant sa carrière, Madame la Commissaire s’est attardée sur son expérience en relation de travail, en négociation de convention collective et de sa pratique dans les médiations et les conciliations. Puis elle nous a parlé de son désir de vouloir assurer la paix sociale. Elle avait hâte, madame la Commissaire, de contribuer dans le domaine de la paix sociale au Québec.

En reprenant la parole pour lui laisser le temps de rassembler ses idées et de se concentrer, nous lui avons exposé la détresse des victimes de la brutalité policière et comment ces personnes soufraient de traumatismes en gardant des séquelles parfois permanentes. Nous lui avons apporté des exemples à crever le cœur. La force excessive des corps policiers n’est pas seulement non justifié, mais souvent ignoble. Alors qu’on essayait de lui transmettre quelques images de ces victimes, nous avons été surpris de constater que madame la Commissaire était au bord des larmes. Oui, les yeux brouillés de larmes pour quelques fractions de secondes, c’était bien la Commissaire à la déontologie policière en personne et pas quelqu’un d’autre. Puis, elle s’est affichée en statut de bronze pour dévier cet instant hautement saisissant. Elle n’a pas sauté dans le vide, madame la Commissaire, mais plutôt dans la quête de sa contribution à la paix sociale. Elle nous a assuré qu’elle va tout faire pour renforcer le dialogue et l’échange tout en portant une attention particulière pour ce qui est juste et ce qui ne l’est pas et ce, avec beaucoup d’humilité.

En quittant les bureaux de la déontologie policière, le portrait de cette dame de fer qui, espérons-le, ne sera point intoxiquée par les résidus du pouvoir, nous a accompagné en douceur le temps de mettre quelques ports d’attaches dans notre esprit en souvenir d’une femme fonctionnaire de haut niveau.