Il n’y aura pas de justice pour Nooran Rezayi

Les élèves de la classe de Nooran Rezayi sont revenus sur le lieu de la fusillade pour rendre un dernier hommage à leur ami.
Quasiment encore tous des enfants et déjà en deuil.
Photo du MAJ, 27 septembre 2025

Hadj Zitouni
Mouvement Action Justice
Organisme en défense des droits

Mercredi, 16 octobre 2025

Au long de ce petit texte, nous n’avons d’autre choix que de classer le jeune Nooran Rezayi dans les rangs des enfants bien que certains préfèrent le ranger dans la colonne des ados. Publiquement, le père de Nooran n’a cessé de répéter que la police avait tué son bébé.

Étreignant le corps inanimé de son fils dans un dernier adieu, le père infligé nous a confirmé en toute évidence que son fils n’était encore qu’un enfant.  De ce fait, qu’on le veuille ou non, au moment d’être criblé par balles, Noorran Rezayi n’était bel et bien qu’un enfant. Le bureau d’enquêtes indépendantes (le BEI) devra considérer largement cette affirmation, puisque la dissemblance enfant-adulte, dans ce cas, est considérablement distincte.                                                                         

Cet après-midi-là, tous les amis de Nooran se sont sauvés à la vue des policiers, sauf lui, qui a obtempéré à l’ordre des policiers lui demandant de s’arrêter. Il n’a suffi d’à peine quelques secondes pour que, figé sur place, les mains en l’air, Nooran Rezayi soit abattu.

Au moins un témoin a confirmé que le policier qui a fait feu en direction de Nooran lui avait demandé s’il était armé ? En absence de toute preuve contraire à celle-ci, Nooran a répondu :

  • Non

 Maintenant, explorons l’hypothèse médiatique première prétendant que Nooran ait « tenté » de rediriger une de ses mains pour ouvrir son sac à dos dans l’intention de montrer au policier qu’il n’avait effectivement aucune arme sur lui.  Hypothèse peu probable en absence de toute preuve contraire à celles de d’autres témoins affirmant que Nooran n’a jamais « tenté » d’ouvrir son sac à dos. Certains encore ont attesté fermement que Nooran n’a pas bougé même un seul un doigt avant d’être abattu.

Ceci laisse une dernière hypothèse avancée par d’anciens policiers, accentuant le soupçon que l’enfant n’avait pas les mains en l’air, mais plutôt que ses mains étaient dérobées à la vue du policier. Voici, ce qui a créé un suspense et qui a augmenté le niveau de crainte de notre flicard.  

Voilà, c’est sûr, l’une de ces hypothèses sur laquelle le bureau des enquêtes indépendantes, le BEI, va se pencher. Autrement dit, toute l’enquête du BEI se jouera sur cet instant précis de l’intervention pour mesurer l’écart de la bavure. Les autres détours sont des futilités pour gagner du temps en sachant très bien qui n’apporteront rien au bien-fondé de l’enquête.

Le mécanisme de toutes les hypothèses qui portaient sur les gestes ou les mouvements de Nooran au moment de la tuerie témoignent d’une conduite innocente dans un esprit d’enfant qui ignorait l’aveuglement, voire la gravité de la menace qui pesait sur lui. 

Rappelons que Nooran fut atteint par une première balle et dans sa chute vers le sol, il reçut une deuxième balle. Beaucoup sont intrigués par le déploiement d’un second coup de feu doublement meurtrier. Force excessive nullement justifiée, fortement inutile puisqu’il s’agissait d’un enfant. Une arme à feu a été déployée pour neutraliser et éliminer définitivement une cible. Laquelle?

  • Un enfant.

La peur, la crainte du policier dans cette intervention ratée est un facteur aggravant, voire responsable direct de la tuerie. Au moment du drame, le policier a démontré qu’il était pleinement habité par une de ces frousses qui altèrent le jugement et la prise de décision chez les pleutres et les trouillards.  

Bien qu’expéditivement deux regards se sont croisés :  celui d’un enfant tétanisé à la vue d’une arme à feu pointée vers lui et celui du policier qui s’imaginait entouré d’un péril imminent. Ici, ni le visage enfantin de ce gosse, ni l’effroi, ni la terreur qui le couvraient n’ont réussi à faire plier le policier à ralentir avant d’appuyer sur la détente à pied levé et atteindre sa cible directement.

Faire feu une seconde fois sur un enfant ?

Faire feu une seconde fois sur un enfant au moment qu’il s’écroule par terre, témoigne de l’état d’esprit de ce policier. Vraisemblablement, il était sous l’emprise d’une anxiété intense, inadmissible et inappropriée pour une personne qui doit assurer la sécurité publique.

Il est troublant de constater qu’au Québec, nous avons des agents de la paix qui tirent plus vite que leurs ombres. Dans les dessins animés, Lucky Luke le fait pour distraire les enfants, ici on le fait pour les tuer. 

Incontestablement, ce n’est pas tout le monde qui peut être policier. Comme certains le disent, dans une bavure comme celle-ci, il faut désigner un responsable. Est-ce le policier qui a tué cet enfant ou l’employeur du policier, sinon s’agit-il d’un système réellement éraillé en attente de pièces de rechanges?

Si c’est le cas, disons que ça presse.  Arrêtez de tuer des innocents!

Finalement, nous ne prédisons pas, nous confirmons plutôt qu’il n y’aura malheureusement pas de justice pour Nooran Rezayi. Que l’enquête soit menée par le BEI, par le SVPM ou par tous corps policiers confondus, l’esprit reste le même. Encore que l’enquête soit immiscée par un public avide de justice, converti en enquêteur en quête d’une justice improbable et précaire, sachez que toute investigation poussée dans ce sens est condamnée à mourir dans sa coquille.

 Nooran Rezayi est mort, point à la ligne. Il va rejoindre la liste des personnes inutilement tuées par la brutalité policière.

En revanche, il y aura la lenteur du temps, beaucoup de recommandations à répétitions, des couvertures médiatiques traditionnelles, d’autres à la pige, tous bavards et hypnotisant une population qui pique déjà du nez.  Et l’impunité policière continuera son chemin comme si rien ne s’était passé ce dimanche après-midi du 21 septembre 2025.

Espérant que la vie perdue de cet enfant raisonnera dans un semblant de justice, que son écho soit entendu pour radier à vie ce tueur du corps policier et pousser à l’extrême les exigences pour accéder à la formation et à la sélection de nos futurs policiers.  Même un peu de courage et un peu de sévérité pourraient mettre de l’ordre dans une justice malmenée face à un constat déplorable.

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