Rencontre avec Me Marc-André Dowd, nouveau Commissaire à la Déontologie policière

Me Marc-André Dowd, Commissaire à la Déontologie policière

Le 18 décembre 2017, juste quelques jours avant d’enterrer l’année précédente, les représentants de Mouvement action justice avaient rencontré Me Dowd, nouveau Commissaire à la Déontologie policière. Celui-ci a été nommé à cette fonction le 13 mars 2017. Il nous a reçus dans son bureau à Montréal. Il faut d’abord préciser que l’invitation vint de Me Marc-André Dowd. L’auteur de ces lignes avait hésité au départ, puis l’équipe de MAJ l’a encouragé d’aller vers cette ouverture généreusement proposée. Voilà, nous y sommes rendus comme prévu, à l’heure exacte. Malgré une barbe grise poussée de quelques jours, le nouveau Commissaire semblait plus jeune que son âge. Il portait un costume foncé sans cravate, il nous accueille l’air content. Madame Anne Morissette, conciliatrice attachée à l’œuvre des Commissaires depuis une éternité semble ne pas vouloir se décrocher du portrait. Madame Morissette avait le sourire un peu forcé elle ne va pas prononcer un mot ou presque le long de la rencontre. L’allure jeune et dynamique, le nouveau Commissaire s’avère en toute douceur suivre le pas de son initiative, il tenait à ne pas précipiter les choses autour de lui. La volonté de vouloir mieux faire était suffisamment exprimée. Toutefois, cela ne veut pas dire que le nouveau Commissaire va réussir où ses prédécesseurs ont tous échoué. Selon notre avis, il n’aboutira point sans une volonté responsable de tous les acteurs de la société. Une volonté gouvernementale en premier et un considérable appui populaire en second lieu. Cette chronologie peut être renversée en cas d’échec. La sensibilisation populaire devient un atout important dans cette manœuvre de réparation. Rappelons que, le cri d’alarme des victimes de l’autorité policière face à l’échec de l’œuvre de la Déontologie policière s’enregistre partout et depuis des années à travers le Québec.

Dans cette rencontre, le nouveau Commissaire, Me Dowd n’a pas été trop bavard quand nous lui avons surpris par une conclusion soutenue par des centaines de témoins : la Déontologie policière est un gâchis de fonds publics sans détour. Ceci ne date pas d’hier. Le nouveau Commissaire n’était pas tout à fait d’accord. Il s’est défendu du fait que malgré le peu représentatif aux yeux des victimes, la Déontologie policière demeure un moyen de dissuasion efficace et de prévention constatée de part et d’autre. Il n’avait pas tout à fait tort… nous ne souhaiterons pas commenter sa réponse.

Ce 18 décembre 2017, sans appel aucun, le nouveau Commissaire ne voulait ni plus ni moins, être là, en personne pour prêter une oreille attentive au pouls d’une société civile qui a perdu totalement confiance aux manœuvres trompeuses d’une Déontologie policière constamment partielle. À ce stade, la volonté de rebâtir un pont réconciliateur paraissait peu prometteuse. Les plaignants se sentent infiniment trahis par cette administration. D’où d’ailleurs venait l’idée de dépêcher un stratège pour sauver la face du gouvernement. Me Dowd au charisme recherché : attentif, humble, sérieux. Un homme qui affiche un air soucieux. Il multiplie les rencontres en guise de comprendre quelque chose à un système enraillé par l’arbitraire. Notre rencontre avec le Commissaire avait duré plus d’une heure. Me Dowd ne semblait pas pressé, au contraire, il a suggéré de prolonger la discussion aussi longtemps qu’elle demeurait captivante. Il a continué à noter ses observations ou faisant semblant, sans éteindre ce sourire distingué, sinon, à un certain moment, il éclipsa ce signe d’appréciation aux déploiements de raisonnement de défenses. Jusqu’à présent, nous ne pouvons rien reprocher au nouveau Commissaire ou presque, Me Dowd n’est pour rien et même s’il échoue sa mission, nous ne pouvons lui reprocher quoi que ce soit; son initiative démontre hors de tout doute une prise de conscience et un vouloir de changement, mais nous ne pouvons pas dire à quel prix.

Lors de cette rencontre, Me Dowd ne répondait pas quand nous lui avons révélé que 95 % des plaintes visant l’attitude et le comportement professionnel d’un policier au Québec n’aboutissent nulle part, sinon à quelques manœuvres administratives rusées qui décourageaient les plaignants à ne plus reprendre ce recours administratif. Nous avons signalé au Commissaire que cette réalité blessante fait tellement honte. Me Dowd cette fois aussi n’était pas d’avis. Il s’est défendu du mieux en attribuant le taux élevé des plaintes aux infractions routières. Malgré que le Commissaire a eu tort cette fois aussi, nous avons tenu à demeurer cordiaux devant sa conclusion qu’il ne fallait pas attendre que tout ça va se régler du jour au lendemain. Là, Me Dowd avait vu tout à fait juste.

Me Marc-André Dowd accompagné de madame Anne Morissette, conciliatrice

(Photo prise lors de la rencontre)

Nous lui avons, également, révélé le but détourné des séances de conciliations, quasi obligatoires, établies par le processus. Comment l’administration de la déontologie policière a pu se rabaisser à ce niveau et utiliser les pauvres plaignants gratuitement comme cobayes de laboratoire. Nous vous rappelons que les séances, dites, de conciliation ne sont en réalité qu’une continuité de formation sur mesure aux policiers fautifs. Lors de ces conciliations, les policiers s’exposent à la version des plaignants et à leurs versions, très souvent incontestables. Lors de ses séances, les policiers sont tout le temps accompagnés, conseillés par les avocats de la fraternité policière. Une fois confrontés à leurs bavures, la plupart des policiers vont mentir pour défendre leurs positions. Le but de la mission de la Déontologie policière semble atteint. Puisque cet exercice permet de mettre les agents de l’ordre face aux plaignants. Plutôt, en se heurtant à son propre manquement déontologique, le policier n’a pas d’autre choix que de se corriger, mais le droit des plaignants dans cette scène purement théâtrale qui va le défendre? En toute évidence, le plaignant va se rendre compte à la fin qu’on vient de l’offenser. Conséquence directe, il n’aura pas d’autre choix que celui de rebrousser ce chemin pour ne plus l’emprunter de nouveau. Comment acceptons-nous que des usagers aussi vulnérables, naïfs en quête de justice se retrouvent-ils à la merci d’une impasse aussi ridicule! Me Marc-André Dowd avait seulement penché sa tête vers son carnet de notes. Il afficha un signe de réflexion.

Bref, une telle initiative, il faut la saluer solennellement. C’est une première au Québec qu’un Commissaire en début de sa fonction a eu cette inspiration remarquable d’aller sur le terrain enquêteur d’une problématique devenant inquiétante aux yeux de tout le monde. Nous pensons qu’avec tout le sérieux de ce jeune Commissaire, il reste malheureusement qu’en absence de la prise de conscience citoyenne, le nouveau Commissaire ne pourra à lui seul soulever le défi de redresser cette machine souvent aveugle au rythme décadent.

Finalement, vers la fin de notre rencontre, une bouffée d’air a surgi de nulle part, probablement de l’ouverture accidentelle d’une porte et le peu d’air qui a circulé rendre à la pièce un certain rafraichissement. Nous ne pouvons que remercier Me Dowd pour sa belle initiative.

En outre, nous vous rappelons brièvement que la Déontologie policière est une institution qui, soi-disant, assure l’application du code de déontologie des policiers à travers le Québec.
Nous vous rappelons également que l’impunité policière fait tellement de victimes parmi l’ensemble de la population que nous demandons en toute légitimité jusqu’où cette catastrophe s’arrêtera.

Hadj Zitouni, président

4 janvier 2018