Maître Marco Gaggino ou la force excessive : un rapport injuste et déplorable

Jeudi 20 janvier 2022


Plus embarrassant encore, est-ce que nos politiciens au premier plan s’inquiètent réellement de ce phénomène qui est divulgué à l’œil nu fortuitement par des vidéos clandestins. Épisodiquement, ces derniers nous percent une toile assez sombre sur cet excès redoutable qu’est l’utilisation de force policière beaucoup plus grande que nécessaire? 

Peu importe le nombre de fois où ces vidéos de citoyens, nous ont révélé l’abus et l’atrocité de l’excès de force policière, nous savons inéluctablement que nos politiciens n’allaient guère intervenir d’une manière à soutenir à long terme les personnes vulnérables de notre société, sauf lors de ces moments où les bavures sont portées aux écrans par les médias. Là, la parole politique devient indispensable, contrepoids à la déception, à l’attente d’une opinion largement confuse, divisée, voire révoltée au milieu de la population.  

Paroles, et encore des paroles, rien que des paroles comme le chante merveilleusement Dalida ou encore Richard Abel dans Rien que des mots. Des paroles insouciantes, vides de toutes volontés, expédiées au public à mesure de la disproportion de l’usage de la force par l’autorité publique. Apaiser les esprits par des mensonges ne devrait plus être admissible.  La parole du politique qui n’est pas soutenue par l’action et la volonté est non pas un manque d’engagement, mais plutôt un manque de respect envers la population.

« Il s’agit d’images troublantes, et une enquête commence aujourd’hui pour faire la lumière sur ce qui s’est passé. » c’était Valérie Plante, Mairesse de la ville de Montréal.[1]

« J’ai également pris connaissance des images troublantes de cette arrestation qui circulent sur les réseaux sociaux. La lumière doit être faite sur cet événement. » C’était François Legault, Premier Ministre du Québec.[2]

« Je suis troublé par ces images qui circulent sur le web… la lumière sera faite sur ces évènements. » C’était Bruno Marchand, Maire de la ville de Québec.[3]

Nous pouvons vous citer à l’infini cette formules de mots pratiquement identiques, dictée et redictée par des responsables politiques. Un idiotisme prêt à servir, diffusé en expresse en quête de refroidir les esprits après chaque bavure aux conséquences fâcheuses. Ce ton aigue, imposant par moment et ces postures théâtrales qui frôlent le sérieux de nos politiciens nous deviennent insoutenables. Dans ce texte, vous allez voir un peu plus loin l’aboutissement de ces détours politiques, cul-de-sac trahissant tout engagement. 

Ils sont presque poussés d’user de paroles rassurantes ces pauvres politiciens et plus tard agir main morte au détriment des victimes. Elle demeure étrange notre démocratie! 

Bien que la formule soit trop usée à force de répétition, elle arrive à sauver la face de certains politiciens, mais pas en tout temps. Les auteurs de ces allitérations sans réflexions aucunes ne s’inquiètent nullement de la suite des choses. 

Prenons exemple d’un malheureux incident parmi plusieurs d’autres.  Le 17 avril 2021, nous avons tous été témoins d’une arrestation abusive[4]. Les constables spéciaux de la Société de transport de Montréal (STM) ont procédé à l’arrestation d’une personne noire. Cette fois-ci nous sommes devant le prototype d’une personne tout à fait vulnérable. La scène nous a été filmée par des passants dans la station du métro Jean-Talon. Nous voyons deux inspecteurs de la STM tenter de maitriser au sol une personne qui résiste à son arrestation et à un moment donné, l’un de ces inspecteurs quasi-hystérique, la roue de coups de poings violant visant uniquement la tête de la victime. Cette dernière poussait des cris stridents de douleurs que le tunnel du métro amplifie de plus bel. Impossible d’imaginer que cette scène aurait pu être filmée au Canada. Le premier ministre du Québec, la mairesse de Montréal et beaucoup d’autres politiciens parlaient d’images troublantes, choquantes et annoncent l’ouverture d’une enquête. 

Qu’est-ce qui s’est passé pour que des agents aux postes d’autorités passent à un tel niveau d’agressivité ? 

En premier, la victime aurait franchi le tourniquet sans s’acquitter de son droit de passage du métro. Ce droit est estimé à 3,75$.

En second lieu, la victime a refusé de s’identifier. Elle a refusé de se mobiliser et elle a résisté à son arrestation, pourquoi, aucune version n’a été donnée nul part.

En troisième lieu, la victime au sol avait mordu l’un de ses inspecteurs pour lui faire lâcher prise sur son corps. La prise, visiblement, l’étouffait.  Voilà en quelques mots les raisons pour lesquelles cette personne a été battue comme un chien puis transporté à l’hôpital pour être soignée de ses blessures. Le lendemain, on lui a donnée congé de l’hôpital, puis, à sa sortie, le SVPM le charge d’une série d’accusations au criminel. De cette calomnie, la victime ne s’en sortira jamais. Acte d’accusation classique de proximité. 

Comment le système peut-il agir au détriment de la victime?  

La mairesse de Montréal avait ordonné, le jour même de la diffusion de la vidéo, la tenue d’une enquête. D’ailleurs, beaucoup d’autres l’ont réclamé et les voix se sont levées pour que la lumière soit faite sur cette intrigue scandaleuse. 

En vérité, l’appel politique a été abandonné une fois que la cible, qui est l’opinion publique, a été touchée. 

La Société de Transport de Montréal (STM), partie mise en cause, se charge de la suite de ce dossier. Elle désigne alors un enquêteur, indépendant, selon elle. Sans gêne aucune, Me Marco Gaggino, spécialisé entre autres dans la défense des policiers est affecté à cette tâche. Aucune objection ne venait troubler le cours de ce cheminement. Au pas de cette manœuvre, la voix politique continuait à disparaitre graduellement. Deux jours après, nous n’entendons plus parler de cet évènement. Me Gaggino nous est présenté comme expert indépendant par la STM et l’armement de défense est merveilleusement bien choisi. Mais au-delà de la baptisée neutre, une ruse sans fin enracine un doute raisonnable pour la suite des choses. Cependant, le public aurait pu s’objecter, mais à ce stade de la manœuvre, peut-être serait-il vain?

La devise la plus chère à Me Gaggino est « à chaque problème sa solution ».[5] La STM est en définitive dans l’embarras et cherche une solution pour s’en sortir. Me Gaggino est généreusement bien payé pour une telle besogne. Le mandat devient clair : comment justifier l’intervention et blanchir les deux employés de la STM? 

Sans perdre de temps, Me Gaggino fait appel à la firme MP Canada. Son président, M. Stéphane Mathurin œuvre dans le domaine de la sécurité publique depuis 1993. Son vice-président, M. Yves Pothier, est témoin expert en usage de la force en intervention spécialisée. C’est lui et lui seul qui va soutenir la thèse qui finira par blanchir les deux inspecteurs impliqués dans cet évènement. À partir de là, Me Gaggino n’a plus qu’à se laver les mains et déposer son rapport sans appel aucun. 

La mission de MP Canada INC est :

Développez des technologies pour gérer le risque.

Offrir le service d’expert judiciaire en usage de la force.

Offrir une gamme de formation spécialisées en interventions physiques.

Il faut noter que la firme est constituée principalement d’anciens policiers.

Qui est Yves Pothier?

Ce n’est pas juste un ancien policier, mais plutôt l’échantillon parfait qui reflètera l’esprit policier. M. Pothier a baigné dans l’eau de la police depuis quasiment toute sa vie. Ses études sont pratiquement toutes faites dans les écoles de police. Il a escaladé le corps policier jusqu’à être nommé commandant de poste de police. Il a siégé sur plusieurs comités en usage de la force et de commandement d’unités. Bref, selon notre analyse, l’esprit de ce policier, son parcours et son endoctrinement vont à l’encontre d’une dénonciation de l’autorité à raison ou à tort. Le désigner dans ce dossier ou autres qui impliquent l’autorité publique pose une grande difficulté et pour peu sa candidature est questionnable. 

Nous pensons que dans cette veine, lui-même ne se rendre même pas compte de cette contrainte. Le type est empreint par cet esprit qui lui répète que l’autorité a toujours raison. S’il lui a été demandé de témoigner dans le procès de George Floyd, il n’aurait de choix, pauvre lui, que de tenter de blanchir le policier Derek Chauvin. Force de constater que l’étude de l’esprit policier et le jugement de celui-ci méritent un mémoire ou une thèse d’étude particulière, une réflexion manquante à notre avis dans ce domaine. Il nous semble qu’une courte thérapie ne vient pas au bout de cette contrainte. 

Rapport d’analyse de l’événement du 17 avril 2021 dans la station de métro Jean-Talon.   

Le 01 novembre 2021, le rapport de Me Marco Gaggino est soumis à la Société de transport de Montréal (STM). Les médias diffusent la conclusion du rapport qui n’a pas été une surprise pour nous : « les agents de la STM dans l’arrestation musclée au métro Jean-Talon ont utilisé une force raisonnable, nécessaire et conforme ».

En plus d’ajouter, quatre recommandations, « d’usages sanitaire » sans importance aucune. 

  • Rien sur comment maitriser une personne même violente à qui on ne veut pas faire du mal?
  • Rien sur comment un agent de paix peut-il contrôler sa colère, sa haine et son agressivité…?
  • À ce stade, ce n’est pas les recommandations qui manquaient, mais plus la volonté et le sérieux de dissuader l’autorité publique à l’usage de la force excessives, non nécessaire et au bout du compte injustifiable.  
  • Voir aussi l’absence de la gravité de l’infraction…
  • M. Yves Pothier a pu questionner les inspecteurs lors de rencontres individuelles datant du 29 Juillet et 23 Août 2021. Un intervalle de 26 jours a été fait entre les deux rencontres, afin de prendre la version des personnes mises en causes. C’est du jamais vu. Les versions sont forcément contaminées. Combien de fois, M. Yves Pothier avait rencontré la victime : Zéro.[6]

Bref, le dossier est finalement clos. 

Qui est la victime dans ce dossier?

Ce qui choque le plus dans ce dossier, c’est le rapport de Me Marco Gaggino. La victime dans ce rapport n’existe nulle part, aucune mention. Pas de nom, pas de prénom, pas date de naissance, pas de statut civil, pas de mention de sexe, pas de version, pas de témoignages ni d’elle ni de ses proches, encore moins de témoins … Tous les acteurs dans ce dossier ont eu droit à la parole, sauf la victime et son entourage. Pas de visage, pas de rapport médical, pas d’entrevue… aucune considération. 

Le rapport d’analyse de l’événement du 17 avril 2021 soumis à la Société de Transport de Montréal par Me Marco Gaggino en date du 1er novembre 2021 présente la victime comme invisible, muette, sourde, sinon cris et contorsions d’un corps mi-humain. En absence de toutes informations la concernant, Me Marco Gaggino la nomme à la rigueur professionnelle sujet. « Le sujet a possiblement reçu 5 coups en plus du dernier coup ayant été donné par l’inspecteur B. »[7] « Le sujet a également tenté de mordre l’inspecteur B. Pour faire cesser la deuxième morsure, l’inspecteur A a frappé le sujet à plusieurs reprises dans la région du visage alors que l’inspecteur B l’a frappé à une reprise à la même région pour faire cesser la troisième morsure… » [8]. L’argot n’est pas anodin. Morsure attribuait spécifiquement aux chiens accentue la thèse que nous ne sommes pas devant une personne humaine à part entière.  

Fort de constater qu’il est difficile de lui trouver un visage : un(e) immigré(e) qui vient d’arriver au Canada et qui serait probablement déportée à la suite des chefs d’accusations au criminel qui pèsent contre elle face aux inspecteurs de la STM. Elle n’avait pas de conseillers cette « chose », pas de représentants, pas de porte-parole. Rien. Elle rentre au pays des merveilles et elle le quitte sans que personne ne l’aperçoit ou presque. Incognito. Est-il vrai qu’elle a fait la une des journaux, qu’elle avait attiré l’attention du premier ministre, de la mairesse de la ville de Montréal…et qu’est-ce qui s’est passé après? 

Pourquoi, elle n’a pas été rencontrée par les médias. D’habitudes, ces conduits de diffusions s’intéressent beaucoup à ces causes perdues. Ils se faufilent partout pour figer un visage, un geste, une parole. Ils reniflent les odeurs même des poubelles en guise d’un indice, d’une piste, sauf que cette fois, ils ne l’ont pas fait. Il arrive que la règle soit écartée, mais pourquoi dans ce cas-ci?  

Il avait raison notre premier ministre, M. François Legault de dire que c’était troublant. Mme la Plante avait raison de le répéter.  Au final, ils avaient tous les deux raisons. Aujourd’hui, c’est encore troublant, choquant à la lumière de cette lente issue. Il reste à savoir si Me Marco Gaggino aura un soupir de regret un de ces jours!

Hadj Zitouni, 
Porte parle de MAJ

Note : ce texte est venu au monde après une prise de notes qui sont restées dans le fond d’un tiroir depuis le mois d’avril 2021. 
Ce fameux rapport de Me Marco Gaggino les a réveillées.


[1] Référence : Twitter Web App, Valérie Plante, Mairesse de la Ville de Montréal, le 19 Avril 2021. 

[2] Référence : Twitter Web App, François Legault, Premier Ministre du Québec, le 19 Avril 2021. 

[3] Référence : Twitter Web App, Bruno Marchand, Maire de la ville de Québec, 19 Avril 2021.

[4] Vidéo Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=8Nn-V67oO8Y

[5] Référence : https://www.gaggino.ca/fr

[6] Référence : Rapport d’analyse de l’évènement du 17 Avril 2021 dans la station de métro Jean-Talon, Gaggino Avocats, En date du 1er Novembre 2021. Page 14.
https://www.stm.info/sites/default/files/media/Affairespubliques/Communiques/2021/2021-11-12_rapport_analyse_diff_.pdf

[7] Référence : Rapport d’analyse de l’évènement du 17 Avril 2021 dans la station de métro Jean-Talon, Gaggino Avocats, En date du 1er Novembre 2021. Page 6.

[8] Référence : Rapport d’analyse de l’évènement du 17 Avril 2021 dans la station de métro Jean-Talon, Gaggino Avocats. En date du 1er Novembre 2021. Page 13.